Pourquoi le volet agricole du "green deal" inquiète les industriels et agriculteurs ?
Dévoilé le 20 mai, le volet agricole du "pacte vert" européen prévoit une réduction de l'utilisation des pesticides, des intrants chimiques, une augmentation des terres consacrées à la culture bio et l'obligation d'un étiquetage nutritionnel. Des mesures qui ne suscitent pas l'enthousiasme des professionnels du secteur.
Moins de pesticides, moins d'engrais chimique, plus de bio et plus d'informations. Le volet agricole du "green deal", annoncé le 20 mai dernier par la Commission européenne est ambitieux. Dans un document de 23 pages, elle détaille sa stratégie pour"rendre les systèmes alimentaires équitables, sains et respectueux de l'environnement."
Réduction des pesticides de 50%
La Commission compte notamment diminuer le recours aux produits phytosanitaires. Dans son document, elle explique qu'elle "prendra des mesures supplémentaires pour réduire l’utilisation des pesticides plus dangereux de 50 % d’ici à 2030". Les engrais, qui sont sources d’émission de gaz à effet de serre, devront eux être réduits de 20%.
Pour cela, elle annonce son soutien aux techniques de lutte de substitution, telles que la rotation des cultures et le désherbage mécanique. La Commission annonce aussi qu'elle facilitera la mise sur le marché des solutions de biocontrôle.
Des mesures qui n'ont pas manqué de faire réagir les leaders du secteur phytosanitaire, à l'image du Syndicat européen de la protection des plantes (ECPA), qui les a qualifiées d'"irréalistes" et d'"intenables".
L'industriel allemand Bayer déplore, de son côté, que les engagements de la Commission portent sur les volumes de phytosanitaires utilisés. "Nous pensons que les objectifs de réduction devraient porter davantage sur les risques potentiels liés à l'utilisation des produits phytosanitaires", précise l'entreprise dans un communiqué.
Soutien à l'agriculture bio
Cette lutte contre les intrants chimiques est associée à un soutien à l'agriculture biologique. Dans le document de référence, la Commission explique qu'il est nécessaire de continuer à promouvoir l’agriculture biologique car "celle-ci a des effets positifs sur la biodiversité, elle est créatrice d’emplois et attire les jeunes agriculteurs".
Elle fixe donc à 25% la proportion des terres agricoles qui devra être consacrée à l'agriculture biologique d'ici à 2030. Elle envisage également de convertir au moins 10% des terres agricoles en "paysages à haute diversité biologique".
"Un objectif qui a de quoi faire plonger encore un peu plus notre balance commerciale", s'emporte la FNSEA, le principal syndicat agricole français. Selon les premiers chiffres du syndicat, la mesure pourrait engendrer la réduction d’un tiers de la production en grandes cultures. "Est-ce ainsi que l’on assurera la souveraineté alimentaire de la France et de l’Union européenne ? Est-ce ainsi que l’on permettra aux agriculteurs de vivre dignement de leur métier et d’assurer le dynamisme économique des territoires ruraux ?" questionne le syndicat.
Même son de cloche du côté de la Copa-Cogeca qui représente les agriculteurs et les coopératives agricoles européennes. "Il s’agit là d'une attaque envers l’agriculture européenne. Les objectifs ne constituent pas des solutions. Pour atteindre une agriculture productive, compétitive et efficace dans l’utilisation des ressources, il est primordial d’établir une bonne coopération et non davantage d’exigences".
Etiquetage nutritionnel harmonisé
Les transformateurs ne sont pas épargnés par la présentation de la Commission qui prévoit de proposer "un étiquetage nutritionnel obligatoire harmonisé sur le devant de l'emballage". Un label sur le bien-être animal est également envisagé par les institutions européennes. Objectif, permettre aux consommateurs de "faire des choix informés", explique la Commission.
"Nous sommes heureux que la Commission européenne ait clairement indiqué qu'elle prévoyait de proposer une étiquette nutritionnelle obligatoire sur le devant de l'emballage", se félicite pour sa part Monique Goyens, directrice générale de l'Association de consommateurs européens BEUC. L'organisation déplore toutefois que les pourparlers sur ce sujet ne soient pas prévus avant 2022. "De nombreuses études ont prouvé que Nutri-Score est le label que les consommateurs comprennent le mieux et six pays de l'UE l'ont déjà approuvé", commente la responsable.
Mais afin que la feuille de route publiée par la Commission Européenne soit effective, elle devra pouvoir compter sur la prochaine Politique Agricole Commune (PAC). Or d'après les premiers éléments, les négociations sur la PAC ne prennent, pour l'instant, pas en compte les nouveaux objectifs du Green Deal.