'Néolithe' : transformer les déchets en pierre pour la construction

Publicité

'Néolithe' : transformer les déchets en pierre pour la construction

Par
"Anthropocite": le nouveau matériau issu de la fossilisation des déchets crée par Néolithe
"Anthropocite": le nouveau matériau issu de la fossilisation des déchets crée par Néolithe
- Néolithe

Les trois fondateurs de 'Néolithe' ont à la fois trouvé une alternative à l’incinération des déchets et un procédé pour les transformer en granulat bas carbone pour la construction. Créée il y a trois ans à peine à Chalonnes-sur-Loire, la jeune pousse s’industrialise avec une première usine en 2023.

Dans la famille Cruaud, il y a le père. William, tailleur de pierre. Il a pendant quarante ans restauré demeures et châteaux en pierre calcaire de tuffeau si typique des pays de la Loire. L’artisan connait sa matière et met son fils Nicolas sur la piste d’un procédé de fossilisation qui reproduirait en quelques heures, ce que la Terre met des millions d’années à faire. Accélérer le cycle naturel de formation de la roche : voilà l’idée novatrice que le jeune ingénieur va empoigner pour son projet d’étude qu’il traduira en projet d’entreprise.

Nicolas Cruaud, Clément Bénassy et William Cruaud, les trois fondateurs de Néolithe
Nicolas Cruaud, Clément Bénassy et William Cruaud, les trois fondateurs de Néolithe
- Néolithe

Passé par le programme d’accélération de l’incubateur X-Up de l’école Polytechnique, il y rencontre Clément Bénassy, jeune ingénieur d’AgroParisTech, qu’il choisit pour créer Néolithe. "Le père, le fils et le Saint-Esprit !" lance William dans un trait d’humour en guise de présentation.

Publicité

Derrière son sourire débonnaire, le sexagénaire inspiré a trouvé comment transmettre son expérience à cette jeune génération d’ingénieurs préoccupée par le réchauffement climatique.

Reportage à Chalonnes-sur-Loire d'Annabelle Grelier

3 min

Le premier minéral de l’ère anthropocène

Il y a d’abord les déchets dont on ne sait pas quoi faire, sinon les incinérer ou les enfouir. La France produit chaque année quelques 30 millions de tonnes de déchets non recyclables dont le coût de traitement est en constante augmentation par le biais de la TGAP (Taxe Générale sur les Activités Polluantes). Créée en 1999 sur le principe de "pollueur-payeur", cette taxe gouvernementale s’applique aux produits polluants et aux déchets dits "ultimes", c’est-à-dire aux déchets non valorisables destinés soit à l’enfouissement, soit à l’incinération. Ces déchets sont plus couramment appelés « Ordures ménagères", "DIB" (Déchets Industriels Banals) ou encore "déchets en mélange". Ainsi, le coût de traitement des déchets non recyclables, subira une augmentera d’environ 40% d’ici 2025 dans le but d’inciter les professionnels à améliorer leur pratiques. Un contexte réglementaire et fiscal qui rend la proposition de Néolithe plus que pertinente.

La jeune pousse dit offrir avec la fossilisation, une troisième voie de valorisation des déchets. En effet, le fossilisateur qu’elle a développé dans son usine pilote de Chalonnes-sur-Loire, doit permettre de transformer des déchets non-recyclables, non-inertes et non-dangereux en un matériau proche du calcaire qui peut être utilisé comme granulats bas carbone par les professionnels du BTP.

Toutes les étapes de la chaîne de transformation
Toutes les étapes de la chaîne de transformation
- Néolithe

Concrètement, l’entreprise a breveté une chaîne de transformation qui commence par broyer les déchets afin de les transformer en poudre. Cette poudre est ensuite mélangée à de l’eau et à un liant dont les fondateurs gardent le secret de formulation pour en faire une pâte minérale. La dernière étape consiste à l’extruder en granulats. Ce granulat qu’ils ont baptisés Anthropocite est le premier minéral de l’ère anthropocène fabriqué en 24 heures, nous explique Clément Bénassy, le directeur général de Néolithe.

"Nous avons trouvé comment réduire de plus de moitié les émissions de gaz à effet de serre liées au traitement des déchets comme notamment l’enfouissement et de plus nous stockons du carbone au sein de nos granulats ce qui rend négative l’empreinte carbone de l’ensemble de notre procédé."

La jeune entreprise a même calculé que son procédé déployé sur l’ensemble du territoire national conduirait à la réduction de 5% des émissions de gaz à effet de serre toute industrie confondue soit l’équivalent de 2 fois le trafic aérien.

Pour l’heure, ces granulats peuvent être utilisés par les professionnels du BTP dans la conception de sous-couches routières ou de bétons non-structurels.

Elle a ainsi reçu un premier agrément pour que sa solution puisse être incorporée à hauteur de 10% au sein de béton non structurel en tant que substitut aux granulats traditionnels. Un marché porteur puisque plus de 450 millions de tonnes de granulats sont consommés chaque année en France.

Écologie à échelle industrielle

Il n’aura pas fallu beaucoup de temps aux trois fondateurs de Néolithe pour convaincre les investisseurs de l’intérêt de leur innovation.

Après trois levées de fonds rassemblant 23 millions d’euros en trois ans, une quatrième doit en réunir 100 millions d’euros d’ici à la fin de l’année.

Et Néolithe avance très vite. Jeune pousse en 2019, elle s’apprête à inaugurer à l’été 2023 son futur site industriel qui s’étendra sur 11 hectares dans l’Actiparc du Layon à Beaulieu-sur-Layon, près d’Angers et emploiera 250 salariés.

L’objectif est d’augmenter la capacité de production des fossilisateurs et du liant pour les alimenter.

Fossilisateur construit dans l'usine pilote à Chalonnes-sur-Loire
Fossilisateur construit dans l'usine pilote à Chalonnes-sur-Loire
- Néolithe

Ce n’est d’ailleurs pas sur la vente de leurs machines que l’entreprise a bâti son modèle d’affaires mais sur la prestation se service. Optant pour une rémunération par tonne de déchets traités, elle a pour l’heure signé des contrats d’installation avec des entreprises de déchets et de matériaux.

"Notre valeur ajoutée est de proposer un traitement plus écologique des déchets au même prix pour nos clients. Une solution qui reste locale puisque nous réduisons les transports en nous installons sur leur plateforme."

25 unités doivent être déployées l’année prochaine dans l’Hexagone.

Confiants dans leur procédé qu’ils estiment unique au monde, l’équipe de Néolithe est persuadée que la transition écologique passe aussi par l’industrie.

"Nos installations sont zéro rejets. Pas de fumée, pas de poussières. Ce qui est très important pour l’acceptation de notre technologie. On essaie également d’être le plus sobre possible en énergie. Pas de chauffe, pas de refroidissement, nous utilisons uniquement des procédés mécaniques pour transformer les déchets en granulats."

Leur innovation s’inscrit en tous cas parfaitement dans une boucle vertueuse de l’économie circulaire. Améliorant le traitement des déchets tout en offrant un nouveau matériau écologique pour la construction. Ce qui littéralement revient à faire d’une pierre, deux coups.

> Découvrez tous les reportages de "Demain l'éco" ici