Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 8 septembre 2021, 19-24.771, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

MA



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 8 septembre 2021




Rejet


M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 927 F-D

Pourvoi n° T 19-24.771




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 SEPTEMBRE 2021

La société Médias occitans de proximité, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], venant aux droits de la société Le Petit Bleu de l'Agenais, a formé le pourvoi n° T 19-24.771 contre l'arrêt rendu le 24 septembre 2019 par la cour d'appel d'Agen (chambre sociale), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme [X] [L], domiciliée [Adresse 6],

2°/ à M. [T] [Q], domicilié [Adresse 1],

3°/ à Mme [V] [M], domiciliée [Adresse 5],

4°/ à M. [O] [I], domicilié [Adresse 4],

5°/ au Syndicat national des journalistes, dont le siège est [Adresse 2],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Monge, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Médias occitans de proximité, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mmes [L], [M], MM. [Q] et [I], après débats en l'audience publique du 2 juin 2021 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Monge, conseiller rapporteur, M. Rouchayrole, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à la société Le Petit Bleu de l'Agenais (la société Le Petit Bleu), aux droits de laquelle vient la société Médias occitans de proximité, du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le Syndicat national des journalistes.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Agen, 24 septembre 2019), Mme [L] et trois autres salariés ont été respectivement engagés par la société Le Petit Bleu, en qualité de secrétaire de rédaction, rédacteur et stagiaire entre 1990 et 2004.

3. En avril 2006, la société Le Petit Bleu et la société groupe La Dépêche du Midi (la société La Dépêche du Midi) ont décidé de mettre en oeuvre une politique de convergence rédactionnelle entre le quotidien départemental Le Petit Bleu et l'édition départementale du quotidien régional La Dépêche du Midi, à l'effet de faire collaborer à l'édition des mêmes pages les journalistes de la presse quotidienne départementale et ceux de la presse quotidienne régionale.

4. S'estimant victimes d'une inégalité de traitement, les quatre salariés ont saisi, les 23 octobre 2015 et 26 juillet 2016, la juridiction prud'homale de demandes en paiement de rappels de salaire et de dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail, ainsi que, s'agissant de Mmes [L] et [M], de dommages-intérêts pour discrimination liée au sexe.

Examen des moyens

Sur le second moyen, ci-après annexé

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

6. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner au paiement de diverses sommes au profit des quatre salariés à titre de rappel de salaire, de la prime d'ancienneté et de la prime de treizième mois, outre congés payés afférents, et au profit de deux d'entre eux de sommes supplémentaires à titre de rappel de prime, outre congés payés afférents, et de dommages-intérêts pour discrimination liée au sexe, alors :

« 1°/ que les termes du litige sont fixés par les prétentions respectives des parties ; que les salariés journalistes du Petit Bleu s'étaient bornés à se prévaloir d'une inégalité de traitement par rapport aux salariés de la société La Dépêche du Midi, sans soutenir l'existence d'une unité économique et sociale entre la société Le Petit Bleu et la société La Dépêche du Midi ; qu'en se fondant néanmoins sur une unité économique et sociale entre ces deux sociétés pour se prononcer sur les demandes des salariés, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;

2°/ que le juge doit faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction et ne peut fonder sa décision sur des moyens qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en relevant d'office le moyen tiré de l'existence d'une unité économique et sociale entre la société La Dépêche du Midi et la société Le Petit Bleu et en examinant l'inégalité de traitement alléguée dans un tel cadre, quand les conclusions de la société Le Petit Bleu ne comportaient aucune mention relative à son appartenance à une unité économique et sociale et que cette dernière n'était pas non plus invoquée par les salariés, sans avoir invité les parties à s'en expliquer, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

3°/ qu'à supposer qu'il faille admettre l'existence d'une unité économique et sociale entre les sociétés Le Petit Bleu et la société La Dépêche du midi, le principe "à travail égal, salaire égal" impose à l'employeur d'assurer l'égalité de rémunération entre tous les salariés accomplissant un même travail dans un même établissement, pour autant que les salariés en cause se trouvent placés dans une situation identique ; que la société Le Petit Bleu avait fait valoir que l'activité de ses journalistes était uniquement tournée vers l'actualité locale tandis que celle des salariés de la société La Dépêche du midi était une activité à portée régionale, voire nationale ; qu'en énonçant que l'activité des salariés des deux sociétés était similaire sans s'expliquer sur le périmètre géographique de leur activité, circonstance de nature à distinguer leurs activités, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe "à travail égal, salaire égal" et des articles L. 3221-2 et L. 3221-4 du code du travail. »

Réponse de la Cour

7. La cour d'appel a, d'abord, énoncé, à bon droit, qu'au sein d'une unité économique et sociale, composée de personnes juridiques distinctes, il peut, pour la détermination des droits à rémunération du salarié d'une entreprise, y avoir comparaison entre les conditions de rémunération de ce salarié et celles d'autres salariés d'autres entreprises comprises dans l'unité économique et sociale, lorsque ces conditions sont fixées par la loi, une convention ou un accord collectif commun, ainsi que dans le cas où le travail de ces salariés est accompli dans le même établissement.

8. Elle a, ensuite, relevé, se fondant sur des documents produits aux débats par les salariés, peu important que ceux-ci ne les aient pas spécialement invoqués au soutien de leurs prétentions, que si la société Le Petit Bleu et la société La Dépêche du Midi étaient des sociétés distinctes, dotées chacune de la personnalité morale, il résultait des documents édités par la seconde que les deux sociétés faisaient partie d'une même unité économique et sociale (UES) et que le bilan social 2008 du groupe la Dépêche du Midi faisait par exemple expressément référence à l'UES constituée par les différentes sociétés du groupe, dont notamment la société Le Petit Bleu.

9. Elle a retenu, sans méconnaître les termes du litige ni, en l'état de ce que la société Le Petit Bleu soutenait l'impossibilité d'établir une inégalité de traitement entre salariés de deux sociétés composant une même unité économique et sociale, le principe de la contradiction, que l'existence de cette UES n'était pas contestée par la société Le Petit Bleu.

10. Elle a constaté, qu'en 2011, les salariés de la société Le Petit Bleu avaient rejoint les locaux dans lesquels travaillaient ceux de la société La Dépêche du Midi, qu'à partir de cette date les salariés agenais des deux sociétés avaient exercé leurs activités professionnelles dans le même établissement, que les salariés de la société Le Petit Bleu avaient effectué le même travail que les salariés agenais de la société La Dépêche du Midi, occupé les mêmes fonctions qu'eux, sur le même plateau, sous la direction des mêmes supérieurs hiérarchiques appartenant tous à la société La Dépêche du Midi. Elle a ajouté que l'activité des salariés agenais des deux sociétés était similaire, consistant pour les uns comme pour les autres à couvrir l'activité économique, sportive et culturelle dans le département du Lot-et-Garonne et que les informations, photos et articles des salariés de la société Le Petit Bleu avaient vocation à être publiés aussi bien dans Le Petit Bleu que dans le cahier local de l'édition du Lot-et-Garonne de la Dépêche du Midi.

11. Elle en a déduit, faisant une exacte application du principe d'égalité de traitement, que les salariés de la société Le Petit Bleu étaient fondés à comparer, à partir du regroupement, leurs rémunérations avec celles des salariés agenais de la société La Dépêche du Midi exerçant dans le même établissement dans des conditions identiques aux leurs, à l'exclusion des salariés de ladite société travaillant dans d'autres établissements que celui d'[Localité 1].

12. Le moyen qui, pris en sa troisième branche, manque en fait, n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Médias occitans de proximité aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Médias occitans de proximité et la condamne à payer à Mmes [L] et [M] et à MM. [I] et [Q], la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit septembre deux mille vingt et un.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société Médias occitans de proximité


PREMIER MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société Petit Bleu de l'Agenais à régler M. [Q], M. [I], Mme [M], une certaine somme, au titre du salaire de base pour la période d'octobre 2012 à septembre 2019, majorée de l'indemnité compensatrice de congés payés, au titre de la prime d'ancienneté pour la période d'octobre 2012 à septembre 2019, majorée de l'indemnité compensatrice de congés payés, au titre de la prime de 13è mois pour la période d'octobre 2012 à septembre 2019, majorée de l'indemnité compensatrice de congés payés, d'avoir prononcé des condamnations aux mêmes titres pour Mme [L] pour la période comprise entre le mois d'octobre 2012 et le mois de décembre 2018, d'avoir versé en outre à Mmes [L] et [M] une certaine somme à titre de rappel de prime (points DDM), outre l'indemnité compensatrice de congés payés, ainsi qu'une somme à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la discrimination liée au sexe ;

AUX MOTIFS QU' il convient de rappeler, en droit :
[?] - que le principe d'égalité de traitement, suivant lequel les salariés qui exécutent le même travail ou un travail de valeur identique et qui sont placés dans une situation identique doivent bénéficier des mêmes avantages à moins que l'employeur ne justifie la différence de traitement par des raisons objectives, n'a en principe vocation à s'appliquer qu'à l'égard des salariés d'une même entreprise ;
- que les salariés des différentes entreprises composant un groupe, qui ont des employeurs distincts et sont soumis à des accords collectifs propres passés avec leur propre employeur qui ne lient pas les employeurs des autres entreprises, ne peuvent se prévaloir de ce principe d'égalité pour justifier leur prétention à obtenir un salaire équivalent à celui d'un salarié exerçant un emploi similaire dans une autre société du groupe ;
- que toutefois et par exception, au sein d'une Unité Économique et Sociale (UES), composée de personnes juridiques distinctes, il peut, pour la détermination des droits à rémunération d'un salarié, y avoir comparaison entre les conditions de rémunération d'un salarié d'une entreprise et celles de salariés d'autres entreprises comprises dans l'Unité Economique et Sociale lorsque ces conditions de rémunération sont fixées par la loi, une convention ou un accord collectif commun ainsi que dans le cas où le travail de ces salariés est accompli dans le même établissement ;

- que s'il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe « à travail égal, salaire égal » de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération, il incombe alors à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs justifiant cette différence, dont il appartient au juge de contrôler concrètement la réalité et la pertinence ;
Qu'en l'espèce, il convient tout d'abord de relever que si la SAS le Petit Bleu et la SA Groupe La Dépêche du Midi sont des sociétés distinctes, dotées chacune de la personnalité morale, il résulte des documents édités par la SA Groupe La Dépêche du Midi que les deux sociétés font partie d'une même Unité Économique et Sociale (UES) ;
Qu'en effet le bilan social 2008 du Groupe la Dépêche du Midi produit aux débats fait par exemple expressément référence à l'UES constituée par les différentes sociétés du Groupe, dont notamment la société Le Petit Bleu ;
Qu'au demeurant l'existence de cette UES n'est pas contestée par la SAS le Petit Bleu ;
Qu'en second lieu il apparaît que si les contrats des salariés de la SAS Le Petit Bleu et des salariés de la SA Groupe La Dépêche du Midi sont régis par la même convention collective, la convention collective nationale des journalistes du 1er novembre 1976, refondue le 27 octobre 1987 et étendue par arrêté du 2 février 1988, leurs conditions de rémunération étaient fixées par des accords collectifs distincts, l'avenant concernant la presse départementale pour les premiers, l'avenant concernant la presse régionale pour les seconds ;
Que par ailleurs jusqu'en 2011, les salariés des deux sociétés ne travaillaient pas dans le même établissement, mais dans des locaux différents ;
Qu'il s'en déduit que jusqu'à cette date le principe d'égalité de traitement n'avait pas vocation à s'appliquer puisque les conditions de rémunération des salariés des deux sociétés résultaient d'accords distincts et qu'ils ne travaillaient pas dans le même établissement ;
que par suite les salariés de la SAS Le Petit Bleu ne sont pas fondés à comparer pour la période antérieure au regroupement dans les mêmes locaux leurs conditions de rémunération avec celles des salariés de la SA Le Groupe La Dépêche du Midi ;
que par contre il n'est pas discuté qu'en 2011, les salariés de la SAS Le Petit Bleu ont rejoint les locaux dans lesquels travaillaient ceux de la SA La Dépêche du Midi ;
qu' à partir de cette date les salariés agenais des deux sociétés ont exercé leurs activités professionnelles dans le même établissement et les salariés de la SAS Le Petit Bleu, ainsi que l'ont parfaitement caractérisé les premiers juges, ont exercé le même travail que les salariés agenais de la SA Groupe la Dépêche du Midi exerçant les mêmes fonctions qu'eux, sur le même plateau, sous la direction des mêmes supérieurs hiérarchiques appartenant tous à la SA le Groupe la Dépêche du Midi ;
qu'il suffira ici d'ajouter que l'activité des salariés agenais des deux sociétés était similaire, consistant pour les uns comme pour les autres à couvrir l'activité économique, sportive et culturelle dans le département du Lot-et-Garonne, les informations, photos et articles des salariés de la SAS Le Petit Bleu ayant vocation à être publiés aussi bien dans le Petit Bleu que dans le cahier local de l'édition du Lot-et-Garonne de la Dépêche du Midi ;
qu'il s'en déduit que les salariés de la SAS Le Petit Bleu, sont seulement fondés à comparer, à partir du regroupement, leurs rémunérations avec celles des salariés agenais de la SA le Groupe La Dépêche du Midi exerçant dans le même établissement dans des conditions identiques aux leurs, à l'exclusion des salariés de la dite SA travaillant dans d'autres établissements que celui d'[Localité 1] ; [?]

B. - Sur les demandes de M. [I] :

M. [I] est salarié de la SAS le Petit Bleu en qualité de reporter, spécialiste du football et du basket ; que son activité consiste selon la classification conventionnelle des journalistes à collecter l'information sur le sujet à traiter par différentes techniques, à la vérifier et à élaborer des contenus éditoriaux ;
Qu'il effectue exactement le même travail qu'un journaliste reporter travaillant dans la rédaction agenaise de La Dépêche du Midi et il est admis dans les écritures de la société Le Petit Bleu que sa rémunération est inférieure à celle des salariés de la SA Groupe La Dépêche du Midi exerçant dans les mêmes locaux et donc le même établissement que lui ;
Que dès lors M. [I] fournit bien des éléments susceptibles de caractériser, au sein de l'UES une inégalité de rémunération entre lui et les journalistes reporters agenais travaillant pour la SA Groupe La Dépêche du Midi dans des conditions identiques aux siennes, étant rappelé que leur travail consistait pour lui comme pour les journalistes reporter agenais de la Dépêche du Midi à couvrir l'activité économique, sportive et culturelle dans le département du Lot-et-Garonne ;
que pour s'opposer à la demande, la SAS Le Petit Bleu ne soutient pas que M. [I] exerçait une activité différente de celle des journalistes reporters de la SA Groupe La Dépêche du Midi, dont la similitude a été précédemment mise en évidence, mais invoque tout d'abord l'inapplicabilité du principe de l'égalité de rémunération à des salariés de sociétés distinctes ;
que ce moyen sera écarté, la Cour ayant précédemment rappelé que ce principe peut par exception recevoir application pour des salariés de sociétés faisant partie d'une UES qui exercent leurs activité dans le même établissement, ce qui est le cas pour tous les journalistes reporters travaillant dans les locaux communs aux deux sociétés, à [Localité 1] ;
que le second moyen invoqué par l'employeur, tiré de l'application de conventions collectives différentes pour les salariés des deux sociétés manque en fait, les relations contractuelles des salariés des deux sociétés étant toutes régies par la convention collective nationale des journalistes, étant observé par ailleurs que le fait que les conditions de rémunération des deux catégories de salariés soient fixées par des avenants distincts de ladite convention collective concernant, d'une part, la presse quotidienne départementale, d'autre part, la presse quotidienne régionale, est insuffisant pour écarter le principe d'égalité dès lors que les journalistes reporters des deux sociétés, qui partagent les mêmes locaux, qui appartiennent au même service faisant l'objet d'un planning commun, qui sont soumis aux mêmes supérieurs hiérarchiques qui sont exclusivement des cadres du Groupe La Dépêche du Midi, accomplissent le même travail dans un même établissement ;
que c'est enfin vainement que la SAS le Petit Bleu soutient que l'inégalité de rémunération qui existait dès le rachat de la SAS le Petit Bleu par la SA Groupe La Dépêche du Midi ne peut être invoquée parce qu'elle a été compensée dans le cadre de l'accord de convergence conclu entre les deux sociétés, qui prévoyait pour les salariés du Petit Bleu une rémunération complémentaire dite « appointement forfaitaire de convergence », acceptée par les salariés ;
qu'en effet cet accord, conclu entre les deux sociétés alors que leurs salariés ne travaillaient pas encore dans le même établissement, ne sauraient en raison de la modification de la situation intervenue à la suite du regroupement des salariés dans les mêmes locaux, faire obstacle à l'application du principe de l'égalité de rémunération à des salariés de deux sociétés faisant partie d'une UES qui exercent dans le même établissement le même travail ;
qu'en conséquence, la demande de M. [I] apparaît fondée en son principe ;
qu'ainsi que cela résulte des bulletins de salaire produits, M. [I] bénéficiait du coefficient 150 à partir du 1er mai 2006, de sorte qu'il est fondé à obtenir, pour la période non prescrite à partir de 2012 une rémunération égale à celle d'un journaliste coefficient 150 travaillant à [Localité 1], outre une prime d'ancienneté de 20 % à partir d'octobre 2012 ;
que le décompte détaillé établi par M. [I] correspond à une exacte application des dispositions conventionnelles et contractuelles relatives à la rémunération correspondant au coefficient 150, à la prime d'ancienneté et au payement d'un 13è mois ;
qu'il inclut en sommes perçues l'indemnité mensuelle de convergence et n'est pas utilement critiqué par la SAS Le Petit Bleu qui a arrêté ses calculs à décembre 2016, sur la base erronée du coefficient 140 alors que depuis mai 2006 le salarié bénéficiait du coefficient 150 et qu'elle a continué à rémunérer le salarié sur les bases antérieures et non sur celles du jugement qu'elle avait frappé d'appel ;
qu'actualisé conformément à la demande à la date de l'arrêt, le montant du rappel de salaire dû à M. [I] s'élève :
- au titre du salaire de base, pour la période d'octobre 2012 à décembre 2018 à la somme de 20 620,74 euros bruts et pour la période de janvier à septembre 2019 à la somme de 2 521,62 euros bruts, soit au total 23 142,36 euros bruts majorés de l'indemnité compensatrice de congés payés de 2 314,23 euros bruts ;

- au titre de la prime d'ancienneté pour la période d'octobre 2012 à septembre 2019 à la somme de 4 628,47 bruts, majorés de l'indemnité compensatrice de congés payés de 462,84 euros bruts ;
- au titre de la prime de 13è mois pour la période d'octobre 2012 à septembre 2019 à la somme de 2 466,49 euros bruts, majorés de l'indemnité compensatrice de congés payés de 246,64 euros ;

C. - Sur les demandes de Mme [M] :

Mme [M] est salariée de la SAS Le Petit Bleu en qualité de journaliste reporter ; que comme M. [I], son activité consiste selon la classification conventionnelle des journalistes à collecter l'information sur le sujet à traiter par différentes techniques, à la vérifier et à élaborer des contenus éditoriaux ;
Qu'elle effectue donc elle aussi exactement le même travail qu'un journaliste reporter travaillant dans la rédaction agenaise de La Dépêche du Midi et il est admis dans les écritures de la société Le Petit Bleu que sa rémunération est inférieure à celle des salariés de la SA Groupe La Dépêche du Midi exerçant dans les mêmes locaux et donc le même établissement qu'elle ;
Qu'elle fournit elle aussi des éléments susceptibles de caractériser, au sein de l'UES une inégalité de rémunération entre elle et les journalistes reporters agenais travaillant pour la SA Groupe La Dépêche du Midi dans des conditions identiques aux siennes, étant rappelé que leur travail consistait pour elle comme pour les journalistes reporter agenais de La Dépêche du Midi à couvrir l'activité économique, sportive et culturelle dans le département du Lot-et-Garonne ;
Que pour les motifs précédemment exposés sous II. B les moyens invoqués par la SAS Le Petit Bleu pour s'opposer aux demandes de Mme [M] doivent à nouveau être écartés, de sorte que les demandes apparaissent fondées en leur principe ;
Qu'ainsi que l'a indiqué l'employeur lui-même, dans l'hypothèse où la demande de Mme [M] serait admise dans son principe par la Cour (ce qui est le cas en l'espèce) celle-ci serait alors fondée à obtenir à partir de 2012 une rémunération égale à celle d'un journaliste reporter coefficient 140 travaillant à [Localité 1], outre une prime d'ancienneté de 15 % en 2012, de 18 % à partir de mars 2016 et de 20 % à compter de juillet 2018 ;
Que le décompte détaillé établi par Mme [M] correspond à une exacte application des dispositions conventionnelles et contractuelles relatives à la rémunération correspondant au coefficient 140, à la prime d'ancienneté, au payement d'un 13è mois et à la prime fixe versée aux salariés de La Dépêche du Midi (dite points DDM) ; qu'il inclut en sommes perçues l'indemnité mensuelle de convergence et n'est pas utilement critiqué par la SAS Le Petit Bleu qui a arrêté ses calculs à décembre 2016 alors qu'elle a continué à rémunérer la salariée sur les bases antérieures et non sur celles du jugement qu'elle avait frappé d'appel ;

Qu'actualisé conformément à la demande à la date de l'arrêt, le montant du rappel de salaire dû à Mme [M] s'élève :
- au titre du salaire de base, pour la période d'octobre 2012 à août 2018 à la somme de 24 342,98 euros bruts et pour la période de septembre 2018 à septembre 2019 à la somme de 3 682,38 euros bruts, soit au total 28 025,36 euros bruts majorés de l'indemnité compensatrice de congés payés de 2 802,53 euros bruts ;
- au titre du rappel de prime (points DDM) pour la période d'octobre 2012 à septembre 2019 à la somme de 12 461,62 euros bruts, majorés de l'indemnité compensatrice de congés payés de 1 246,16 euros bruts ;
- au titre de la prime d'ancienneté pour la période d'octobre 2012 à septembre 2019 à la somme de 4 620,18 euros bruts, majorés de l'indemnité compensatrice de congés payés de 462,01 euros bruts ;
- au titre de la prime de 13è mois pour la période d'octobre 2012 à septembre 2019 à la somme 4 134,21 euros bruts, majorés de l'indemnité compensatrice de congés payés de 413,42 euros ;

D. - Sur les demandes de M. [Q] :

M. [Q] est salarié de la SAS Le Petit Bleu en qualité de journaliste secrétaire de rédaction ; que son activité consiste selon la classification conventionnelle des journalistes à prendre en charge l'édition des contenus éditoriaux : relecture, vérification, enrichissement, référencement et correction des textes, et à contribuer à la rédaction des titres et à la mise en scène de l'information ; qu'il effectue exactement le même travail qu'un journaliste secrétaire de rédaction travaillant dans la rédaction agenaise de La Dépêche du Midi et il est admis dans les écritures de la société Le Petit Bleu que sa rémunération est inférieure à celle des secrétaires de rédaction de la SA Groupe La Dépêche du Midi exerçant dans les mêmes locaux et donc le même établissement que lui ;
Qu'il fournit donc lui aussi des éléments susceptibles de caractériser, au sein de l'UES une inégalité de rémunération entre elle et les journalistes secrétaires de rédaction travaillant à [Localité 1] pour la SA Groupe La Dépêche du Midi, dans des conditions identiques aux siennes, étant rappelé que leur travail consistait pour lui comme pour les secrétaires de rédaction agenais de La Dépêche du Midi à couvrir l'activité économique, sportive et culturelle dans le département du Lot-et-Garonne ;
Que pour les motifs précédemment exposés sous II. B les moyens invoqués par la SAS Le Petit Bleu pour s'opposer aux demandes de M. [Q] doivent à nouveau être écartés, de sorte que les demandes apparaissent fondées en leur principe ;
Qu'ainsi que cela résulte des bulletins de salaire produits, M. [Q] bénéficiait du coefficient 145 à partir de juillet 2012, de sorte qu'il est fondé à obtenir à partir de 2012 une rémunération égale à celle d'un secrétaire de rédaction coefficient 145 travaillant à [Localité 1], outre une prime d'ancienneté de 5 % d'octobre 2012 à mai 2014, de 7 % de juin 2014 à novembre 2014 et de 10 % à partir de décembre 2014 ;
Que le décompte détaillé établi par M. [Q] correspond à une exacte application des dispositions conventionnelles et contractuelles relatives à la rémunération correspondant au coefficient 145, à la prime d'ancienneté et au payement d'un 13è mois ;
Qu'il inclut en sommes perçues l'indemnité mensuelle de convergence et n'est pas utilement critiqué par la SAS Le Petit Bleu qui a arrêté ses calculs à décembre 2016, sur la base erronée du coefficient 140 alors que depuis juillet 2012 le salarié bénéficiait du coefficient 145, alors qu'elle a continué à rémunérer le salarié sur les bases antérieures et non sur celles du jugement qu'elle avait frappé d'appel ;
Qu'actualisé conformément à la demande à la date de l'arrêt, le montant du rappel de salaire dû à M. [Q] s'élève :
- au titre du salaire de base, pour la période d'octobre 2012 à décembre 2018 à la somme de 24 478,59 euros bruts et pour la période de janvier à septembre 2019 à la somme de 2 500,65 euros bruts, soit au total 26 979,24 euros bruts majorés de l'indemnité compensatrice de congés payés de 2 697,92 euros bruts ;
- au titre de la prime d'ancienneté pour la période d'octobre 2012 à septembre 2019 à la somme de 2 618,71 euros bruts, majorés de l'indemnité compensatrice de congés payés de 261,87 euros bruts ;
- au titre de la prime de 13è mois pour la période d'octobre 2012 à septembre 2019 à la somme de 2 466,49 euros bruts, majorés de l'indemnité compensatrice de congés payés de 246,64 euros ;

E. - Sur les demandes de Mme [L] :

Mme [L] était, jusqu'à son départ à la retraite en janvier 2019, salariée de la SAS Le Petit Bleu en qualité de journaliste secrétaire de rédaction ; que son activité consistait selon la classification conventionnelle des journalistes à prendre en charge l'édition des contenus éditoriaux : relecture, vérification, enrichissement, référencement et correction des textes, et à contribuer à la rédaction des titres et à la mise en scène de l'information ;
Qu'elle effectuait exactement le même travail qu'un journaliste secrétaire de rédaction travaillant dans la rédaction agenaise de La Dépêche du Midi et il est admis dans les écritures de la société Le Petit Bleu que sa rémunération était inférieure à celle des secrétaires de rédaction de la SA Groupe La Dépêche du Midi exerçant dans les mêmes locaux et donc le même établissement qu'elle ;
Qu'elle fournit donc elle aussi des éléments susceptibles de caractériser, au sein de l'UES une inégalité de rémunération entre elle et les journalistes secrétaires de rédaction travaillant à [Localité 1] pour la SA Groupe La Dépêche du Midi, dans des conditions identiques aux siennes, étant rappelé que leur travail consistait pour elle comme pour les secrétaires de rédaction agenais de La Dépêche du Midi à couvrir l'activité économique, sportive et culturelle dans le département du Lot-et-Garonne ;
Que pour les motifs précédemment exposés sous II. B les moyens invoqués par la SAS Le Petit Bleu pour s'opposer aux demandes de Mme [L] doivent à nouveau être écartés, de sorte que les demandes apparaissent fondées en leur principe ;
qu'ainsi que l'a indiqué l'employeur lui-même, dans l'hypothèse où la demande de Mme [L] serait admise dans son principe par la Cour (ce qui est le cas en l'espèce) celle-ci serait alors fondée à obtenir à partir de 2012 une rémunération égale à celle d'un journaliste secrétaire de rédaction coefficient 140 travaillant à [Localité 1], outre une prime d'ancienneté de 10 % en 2012 et de 15 % à compter de septembre 2014 ;
que le décompte détaillé établi par Mme [L] correspond à une exacte application des dispositions conventionnelles et contractuelles relatives à la rémunération correspondant au coefficient 140, à la prime d'ancienneté, au payement d'un 13è mois et à la prime fixe versée aux salariés de La Dépêche du Midi (dite points DDM) ; qu'il inclut en sommes perçues l'indemnité mensuelle de convergence et n'est pas utilement critiqué par la SAS Le Petit Bleu qui a arrêté ses calculs à décembre 2016, alors qu'elle a continué à rémunérer le salarié sur les bases antérieures et non sur celles du jugement qu'elle avait frappé d'appel ;
qu'arrêté à la date de fin décembre 2018 du fait du départ à la retraite de Mme [L] à cette date, le montant du rappel de salaire dû à celle-ci s'élève :
- au titre du salaire de base, pour la période d'octobre 2012 à décembre 2018 à la somme de 26 010,14 euros bruts, majorés de l'indemnité compensatrice de congés payés de 2 601,01 euros bruts ;
- au titre du rappel de prime (points DDM) pour la période d'octobre 2012 à décembre 2018 à la somme de 15 312,35 euros bruts, majorés de l'indemnité compensatrice de congés payés de 1 531,23 euros bruts ;
- au titre de la prime d'ancienneté pour la période d'octobre 2012 à décembre 2018 à la somme de 3 608,18 euros bruts, majorés de l'indemnité compensatrice de congés payés de 360,81 euros bruts ;
- au titre de la prime de 13è mois pour la période d'octobre 2012 à décembre 2018 à la somme de 3 744,22 euros bruts, majorés de l'indemnité compensatrice de congés payés de 374,42 euros ;

1) ALORS QUE les termes du litige sont fixés par les prétentions respectives des parties ; que les salariés journalistes du Petit Bleu s'étaient bornés à se prévaloir d'une inégalité de traitement par rapport aux salariés de la société Groupe Dépêche du Midi, sans soutenir l'existence d'une unité économique et sociale entre la société le Petit Bleu et la société Groupe la Dépêche du Midi ; qu'en se fondant néanmoins sur une unité économique et sociale entre ces deux sociétés pour se prononcer sur les demandes des salariés, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;

2) ALORS QUE subsidiairement, le juge doit faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction et ne peut fonder sa décision sur des moyens qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en relevant d'office le moyen tiré de l'existence d'une unité économique et sociale entre la société Groupe la Dépêche du Midi et la société le Petit Bleu et en examinant l'inégalité de traitement alléguée dans un tel cadre, quand les conclusions de la société le Petit Bleu ne comportaient aucune mention relative à son appartenance à une unité économique et sociale et que cette dernière n'était pas non plus invoquée par les salariés, sans avoir invité les parties à s'en expliquer, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

3) ALORS QUE subsidiairement, qu'à supposer qu'il faille admettre l'existence d'une unité économique et sociale entre les sociétés Le Petit Bleu et la société Groupe la Dépêche du midi, le principe « à travail égal, salaire égal » impose à l'employeur d'assurer l'égalité de rémunération entre tous les salariés accomplissant un même travail dans un même établissement, pour autant que les salariés en cause se trouvent placés dans une situation identique ; que la société le Petit Bleu avait fait valoir que l'activité de ses journalistes était uniquement tournée vers l'actualité locale tandis que celle des salariés de la société Groupe la Dépêche du midi était une activité à portée régionale, voire nationale ; qu'en énonçant que l'activité des salariés des deux sociétés était similaire sans s'expliquer sur le périmètre géographique de leur activité, circonstance de nature à distinguer leurs activités, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe « à travail égal, salaire égal » et des articles L. 3221-2 et L. 3221-4 du code du travail.


SECOND MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la SAS Le Petit Bleu à payer à Mme [M] et à Mme [L] une certaine somme à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la discrimination liée au sexe ;:

AUX MOTIFS QU' il convient de rappeler :
- qu'aux termes de l'article L. 1131-1 du code du travail «aucune personne (...) ne peut faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte (...) notamment en matière de (...) rémunération (...) de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle (...) en raison (...) de son sexe » ;
- que constitue une discrimination directe la situation dans laquelle une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne l'aura été dans une situation comparable ;
- que l'article L. 1134-1 du même code précise qu'en cas de survenance d'un litige au sujet d'une discrimination invoquée par un salarié, celui-ci doit seulement présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, l'employeur devant au vu de ces éléments prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ;

A. - Sur la demande présentée par Mme [M] :

Mme [M], embauchée par la SAS Le Petit Bleu en qualité de journaliste reporter 1 échelon, coefficient 110, en octobre 1995, s'est vue attribuer le coefficient 120 en mai 2006, puis le coefficient 125 le 1er juillet 2011 et enfin le coefficient 130 le 1er novembre 2015 ;
Qu'il résulte des pièces produites que M. [I], seul salarié du Petit Bleu dont l'évolution de carrière puisse être comparée à celle de Mme [M] puisqu'il est le seul à avoir exercé la même activité qu'elle, a été embauché en 1990 en qualité de journaliste reporter au coefficient 122 et s'est vu accorder par l'employeur le coefficient 125 en avril 1993, le coefficient 140 le 1er mars 1998, le coefficient 145 en 2003 et le coefficient 150 le 1er mai 2006 ;
Que la comparaison de ces parcours révèle d'une part que M. [I], qui ne disposait comme Mme [M] d'aucune expérience lors de son embauche, a été engagé à un niveau de classification et donc de rémunération largement supérieur à sa collègue, d'autre part, qu'en 16 années (1990 à 2006) M. [I] est passé du coefficient 122 au coefficient 150 alors que dans le même espace de temps de 16 ans, Mme [M] est passée du coefficient 110 au coefficient 125 et qu'après 20 ans de carrière elle n'avait obtenu que le coefficient 130 ;
qu'il s'agit là d'une illustration incontestable d'un déroulement de carrière nettement plus lent pour elle que pour son collègue masculin de sorte qu'il doit être admis que ces éléments de fait présentés par Mme [M] laissent supposer l'existence d'une discrimination en matière de déroulement de carrière liée au sexe ;
que pour soutenir que cette situation est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, la SAS le Petit Bleu fait valoir que M. [I], inexpérimenté lors de son embauche, a développé une vraie spécialité dans le journalisme sportif et que cette spécificité lui a valu une évolution de carrière plus rapide que Mme [M] qui ne possède aucune spécialité particulière ;
que pour écarter cette argumentation, il suffira de relever :
- qu'elle n'explique pas la différence de traitement lors de l'embauche, les salariés étant initialement aussi inexpérimentés l'un que l'autre ;
- que la grille de classification ne comporte aucune rubrique relative à la spécialisation des journalistes reporters et à un traitement différencié pour ceux-ci ;

- que l'activité des deux journalistes était similaire, M. [I] ne bénéficiant d'aucune exclusivité pour traiter son domaine dit de spécialité ;
- qu'aucun grief n'est allégué et a fortiori justifié sur les compétences et la qualité du travail de Mme [M], dont rien ne permet d'affirmer qu'elles seraient inférieures à celles de M. [I] ;
- que les bilans sociaux 2007 et 2008 du groupe La Dépêche du Midi mettent en évidence une différence notable de la rémunération moyenne des journalistes du groupe qui s'établissait en 2007 à 3 974 euros pour les hommes contre 3 675 euros pour les femmes et en 2008 à 3 935 euros pour les hommes contre 3 288 euros pour les femmes ;
- que le tableau de la répartition de la rémunération moyenne mensuelle des salariés de l'ensemble des sociétés du groupe en 2015 révèle que la rémunération des femmes est systématiquement inférieure, dans des proportion importantes, à celle des hommes (par exemple pour le Petit Bleu 3 296 euros pour les hommes contre 2 534 euros pour les femmes) sans que soit fourni aucun élément objectif permettant de justifier cette différence qui paraît traduire une politique au sein du groupe ;
- que la notification le 17 novembre 2015 de la décision de l'employeur de classer Mme [M] au coefficient 130 fait expressément référence à un accord sur l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes et à la volonté d'opérer un rapprochement en matière de rémunération, d'égalité des chances et de traitement entre les hommes et les femmes, formulation qui constitue une reconnaissance implicite mais claire de l'existence d'une situation discriminatoire au préjudice des femmes ;
- que l'augmentation de coefficient notifiée à Mme [M], intervenue en application de l'accord conclu entre l'employeur et les organisations syndicales et non pour des motifs propres à la salariée avait pour objet de corriger partiellement la discrimination dont la salariée avait été victime ;
Que dès lors il y a lieu, en infirmant de ce chef le jugement entrepris de dire que Mme [M] a été victime de discrimination dans le déroulement de carrière liée à son sexe et en réparation du préjudice moral qui lui a été ainsi causé, de condamner la SAS Le Petit Bleu à lui payer la somme de 12 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

B. - Sur la demande présentée par Mme [L] :

Mme [L] a été embauchée par la SAS Le Petit Bleu en qualité de stagiaire, coefficient 90, en septembre 1999, titularisée en qualité de rédacteur en avril 2002, coefficient 110, puis mutée sur un poste de secrétaire de rédaction en avril 2003, au coefficient 125, puis 130 au 1er janvier 2014 ;
Qu'il résulte des pièces produites que M. [Q], seul salarié du Petit Bleu dont l'évolution de carrière puisse être comparée à celle de Mme [L] puisqu'il est le seul à avoir exercé à partir de son embauche la même activité qu'elle, a été engagé en 2004 en qualité de secrétaire de rédaction, coefficient 140, et s'est vu accorder par l'employeur le coefficient 145 en juillet 2012 ;
que la comparaison de ces parcours révèle, d'une part, que M. [Q], a été engagé un an après l'affectation de Mme [L] sur le même poste de secrétaire de rédaction à un niveau de classification et donc de rémunération largement supérieur à sa collègue, d'autre part, que ce n'est qu'au bout de 11 ans au poste de secrétaire de rédaction que Mme [L] a bénéficié d'une augmentation de coefficient, porté à 130 mais demeurant toujours largement inférieur à celui de son collègue masculin ;
Qu'il s'agit là d'une illustration incontestable d'un déroulement de carrière plus lent pour elle que pour son collègue masculin de sorte qu'il doit être admis que ces éléments de fait présentés par Mme [L] laissent supposer l'existence d'une discrimination en matière de déroulement de carrière liée au sexe ;
Que, si pour soutenir que cette situation est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, la SAS Le Petit Bleu fait justement observer qu'une différence de traitement peut être justifiée par des diplômes ou une expérience professionnelle plus grande et qu'il ne peut donc lui être reproché d'avoir embauché M. [Q] à un niveau supérieur à celui de Mme [L] puisqu'il était diplômé de l'Institut d'Etudes Politiques de [Localité 2] et qu'il disposait d'une expérience professionnelle de 6 ans, atouts que sa collègue ne possédait pas, force est de relever que ses autres arguments n'apparaissent pas pertinents dès lors :
- que l'activité des deux journalistes était similaire, puisqu'ils étaient amenés, dans le cadre des permanences à effectuer le même travail et qu'aucun grief n'est allégué et a fortiori justifié sur les compétences et la qualité du travail de Mme [L], respectivement sur sa capacité à remplacer efficacement son collègue lorsque celui-ci était absent ;
-que les bilans sociaux 2007 et 2008 du groupe La Dépêche du Midi mettent en évidence une différence notable de la rémunération moyenne des journalistes du groupe qui s'établissait en 2007 à 3 974 euros pour les hommes contre 3 675 euros pour les femmes et en 2008 à 3 935 euros pour les hommes contre 3 288 euros pour les femmes ;
- que le tableau de la répartition de la rémunération moyenne mensuelle des salariés de l'ensemble des sociétés du groupe en 2015 révèle que la rémunération des femmes est systématiquement inférieure, dans des proportions importantes, à celle des hommes (par exemple pour Le Petit Bleu 3 296 euros pour les hommes contre 2 534 euros pour les femmes) sans que soit fourni aucun élément objectif permettant de justifier cette différence qui paraît traduire une politique au sein du groupe ;
- que la notification le 26 février 2014 de la décision de l'employeur de classer Mme [L] au coefficient 130 à compter du 1er janvier 2014 fait expressément référence à un accord sur l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes et à la volonté d'opérer un rapprochement en matière de rémunération, d'égalité des chances et de traitement entre les hommes et les femmes, formulation qui constitue une reconnaissance implicite mais claire de l'existence d'une situation discriminatoire au préjudice des femmes ;
- que l'augmentation de coefficient notifiée à Mme [L], intervenue en application de l'accord conclu entre l'employeur et les organisations syndicales et non pour des motifs propres à la salariée, avait pour objet de corriger partiellement la discrimination dont la salariée avait été victime ;
Que dès lors il y a lieu, en infirmant de ce chef le jugement entrepris de dire que Mme [L] a été victime de discrimination dans le déroulement de carrière liée à son sexe et en réparation du préjudice moral qui lui a été ainsi causé, de condamner la SAS Le Petit Bleu à lui payer la somme de 8 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

1) ALORS QUE l'obligation de motivation qui s'impose aux juges du fond prohibe toute incohérence entre les motifs et le dispositif de leur décision ; que Mmes [L] et [M] avaient réclamé une indemnisation au titre d'une discrimination fondée sur le sexe dans leur évolution de carrière professionnelle dans l'entreprise ; que le dispositif de l'arrêt attaqué se réfère à une condamnation à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la discrimination liée au sexe ; que cependant, il résulte des motifs de l'arrêt attaqué que le quantum du préjudice a été déterminé par référence à l'existence d'une discrimination dans le déroulement de carrière liée au sexe mais également en réparation d'un préjudice moral qui n'avait pas été invoqué ;

qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a méconnu l'article 455 du code de procédure civile ;

2) ALORS QU'une différence de rémunération entre des salariés effectuant un travail de valeur égale et se trouvant dans une situation identique est légitime si elle repose sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; qu'une expérience professionnelle antérieure permet de valoriser le poste occupé dès l'embauche ; qu'il n'était pas contesté que M. [Q] avait été embauché en 2004 en qualité de secrétaire de rédaction alors qu'il pouvait justifier d'une activité de journaliste depuis 6 ans, tandis que Mme [L] n'était devenue secrétaire de rédaction qu'en 2003 ; que l'embauche de M. [Q] à un niveau de classification supérieure se justifiait par son ancienneté acquise dans la profession en qualité de journaliste ; qu'en appréciant l'évolution de la carrière respective des salariés sans tenir compte de l'expérience antérieure acquise par M. [Q], la cour d'appel a violé les articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail ;

3) ALORS QU'une différence de rémunération entre des salariés effectuant un travail de valeur égale et se trouvant dans une situation identique est légitime si elle repose sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; que l'employeur peut tenir compte de la valorisation d'un emploi caractérisée par l'expérience acquise au sein du poste permettant au salarié de développer une spécialité ; qu'en refusant de tenir compte de la spécialisation développée par M. [I] dans le journalisme sportif, spécialisation que Mme [M] n'avait pas acquise, la cour d'appel a violé les articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail ;

4) ALORS QU'une discrimination salariale entre hommes et femmes doit être établie de façon objective et ne peut être déduite de la mise en oeuvre d'un accord sur l'égalité professionnelle entre hommes et femmes ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 1134-1 du code du travail.ECLI:FR:CCASS:2021:SO00927
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