Sanctions américano-canadiennes : La justice haïtienne peut-elle saisir du dossier des sanctionnés?

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Des internautes affichent leurs insatisfactions suite aux sanctions imposées à date contre huit personnalités politiques haïtiennes pour trafic de drogue, corruption et financement des gangs armés. Ils réclament des poursuites Judiciaires à l’encontre des personnes concernées. Cependant le hic : Est ce que la justice haïtienne peut s’approprier du dossier ? Des hommes de loi réagissent.

Port-au-Prince, le 23 novembre 2022.- « Au nom de la coopération ou entraide judiciaire internationale, le parquet peut se saisir d’office en faisant liaison avec les enquêtes déjà en cours à ce sujet ; mais pas le cabinet d’instruction, le juge d’instruction est saisi en fonction des faits et non in persona cad en raison de la personne », nous a confié un Magistrat sous couvert d’anonymat. Cet homme de loi s’est également empressé de préciser que le gouvernement via le Ministère de la Justice et de la Sécurité Publique peut en demander compte au gouvernement canadien.

Me Arnel Rémy, avocat au Barreau de Port-au-Prince, également défenseur des droits humains ne s’oppose pas à notre premier interlocuteur sur cette question. Juste une petite nuance pour lui : C’est le Ministère des Affaires étrangères et des Cultes, au nom du gouvernement haitien, qui doit intervenir auprès des autorités canadiennes en vue de rapatrier le dossier en Haïti; le territoire sur lequel les faits reprochés ont été commis.

Me Camille Édouard, ancien ministre de la Justice et de la Sécurité Publique sous la présidence de Jocelerme Privet ,se montre plus volubile sur le sujet .

 » Le régime de sanctions imposées par les États étrangers met en lumière des mécanismes complexes quand il faut les intégrer dans le système juridique interne car la famille juridique n’étant pas la même, le régime des infractions n’est pas le même et les modalités de la recherche de la vérité sont très différentes », a d’entrée de jeu réagi le professeur d’universités qui se veut très académique dans son approche .

 » Plusieurs éléments d’informations manquent à notre connaissance pour une meilleure analyse de la question. Est-ce que les sanctions sont prises à la demande de l’Etat Haïtien, auquel cas, il aurait préalablement soumis des dossiers et des requêtes spécifiques propres à chaque intéressé? », s’interroge l’homme de loi.

Répondant à cette question par l’affirmative reviendrait à conclure que ces mesures seraient une première étape et que l’Etat haïtien transmettrait les dossiers allégués aux instances judiciaires concernées afin courroucer les personnes et personnalités épinglées, a-t-il, d’un côté, analysé.

D’un autre côté, répondant à cette question par la négative reviendrait à pointer du doigt un imbroglio juridique et judiciaire car les intéressés seraient frappés par des mesures restrictives et même infamantes au niveau international sans que ces sanctions ne soient appliquées au niveau local, a poursuivi l’ancien garde des sceaux de la République.

« Ce faisant, une procédure de saisine devrait être mise en branle à la diligence de la partie querellée la plus intéressée afin de porter la justice haïtienne à se prononcer sur l’espèce en question (soit l’Etat haïtien à travers son système répressif ou les personnes concernées) », a souhaité l’homme loi .

« Il s’agit d’un défi majeur à l’Etat haïtien et surtout à la justice haïtienne qui devra se prononcer sur chaque espèce et qu’un Task force d’enquête internationale serait nécessaire afin de fixer les responsabilités des uns et des autres en toute transparence, de justice et d’équité en respectant le sacro-saint principe de la présomption d’innocence avant jugement », a conclu Me Camille Édouard Junior dans son analyse sur les sanctions émises par les États-Unis et le Canada contre les élites politiques en Haïti.

À date, Joseph Lambert , Youry Latortue, Michel Martelly, Laurent Salvador Lamothe , Jean Henry Céant , Hervé Fourcand, Rony Célestin et Gary Bodeau sont autant d’hommes politiques frappés par ces sanctions pour trafic illicite de drogue, corruption, blanchiment d’argent et financement des activités des gangs armés sur le territoire haïtien.

Jean Allens Macajoux

Vant Bèf Infos ( VBI)