The Bournemouth Protocol on Mass Grave Protection and Investigation - French translation

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Le protocole de Bournemouth

sur la protection et l’investigation des charniers

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© 2020 Melanie Klinkner et Ellie Smith Tous droits réservés. ISBN : 9781858993218 Image de la couverture © 2


Avant-propos

par sa Majesté la Reine Noor, Commissaire de la Commission internationale pour les personnes portées disparues En tant que Commissaire de la Commission internationale pour les personnes portées disparues (ICMP) depuis 2001, j’ai eu le privilège et le plaisir de constater une évolution historique vers la responsabilité de l’État en matière de comptabilisation des personnes disparues conformément à l’État de droit. Dans les années 90, les institutions judiciaires nationales et internationales ont commencé à enquêter sur des milliers de cas et sur les charniers correspondants dans l’ex-Yougoslavie. Cela a constitué les bases de stratégies fondées sur l’État de droit pour garantir les droits des survivants et instaurer la confiance du public dans la capacité et la volonté des gouvernements de mener à bien des investigations efficaces et équitables sur les personnes disparues. Ces investigations comprenaient l’utilisation cohérente de moyens scientifiques pour localiser et identifier les personnes disparues. Il est également devenu évident au cours de cette même période que des enquêtes appropriées sur des cas de personnes disparues à grande échelle, qu’il s’agisse dans le cadre de conflits, de violations des droits de l’homme, de catastrophes, du crime organisé ou de migrations, sont un investissement durable dans la cohésion sociale, la reconstruction post-conflit et la prévention des conflits, ainsi que dans la paix et la sécurité humaines. L’obligation de mener des enquêtes efficaces sur les violations et les atteintes portées aux droits de l’homme incombe aux États, quel que soit l’auteur de ces violations et atteintes. Le fait de ne pas enquêter efficacement sur les cas de personnes disparues, y compris sur les circonstances de leur disparition, constitue une violation des droits fondamentaux de ces personnes disparues et des membres de leur famille. C’est également une abrogation dangereuse de l’État de droit. Des enquêtes efficaces représentent donc un engagement authentique et nécessaire à traiter les crimes hérités du passé. En 2008, une publication rédigée sous la direction de chercheurs de l’Université de Bournemouth a présenté une première compilation des expériences et des leçons tirées de l’enquête scientifique réalisée sur des charniers. Il s’agissait d’une entreprise collaborative visant à formuler des Procédures Opérationnelles Permanentes. Le nouveau Protocole de Bournemouth pour la protection et l’investigation de charniers poursuit cette stratégie de recherche, impliquant le travail d’experts internationaux représentant une variété de disciplines et d’organisations, afin de définir des normes sur cette question cruciale. Le Protocole de Bournemouth pour la protection et l’investigation de charniers est fermement basé sur l’hypothèse selon laquelle

les normes d’investigation et de protection appliquées aux charniers doivent soutenir les efforts visant à établir la vérité sur ce qui s’est passé et à faciliter le recours à la justice. C’est par le biais d’enquêtes que l’État donne un sens aux garanties des droits de l’homme. Les enquêtes criminelles sont régulièrement le fer de lance des efforts visant à localiser et exhumer les corps retrouvés dans des charniers à la suite de conflits armés, de violations ou d’atteintes portées aux droits de l’homme et d’autres actes criminels. Elles se concentrent sur l’obtention de preuves de crimes et font partie du projet plus vaste désigné par les tribunaux comme le droit à une enquête efficace. Le Protocole de Bournemouth pour la protection et l’investigation de charniers est un pas important pour fournir plus de clarté sur les normes et standards internationaux. Elle permettra une plus grande coopération entre les organisations dans un large éventail de contextes. Les charniers et les sites qui ont été le théâtre de crimes odieux et de pertes humaines doivent être protégés contre les ingérences et faire l’objet d’enquêtes selon des standards légaux et respectueux. Nous le devons aux familles des victimes et à la société dans son ensemble. Le protocole présenté ici est inspiré et doit beaucoup aux nombreux intervenants impliqués dans les processus de protection et d’enquête des charniers, allant des disciplines juridique, policière et scientifique aux services de liaison avec les collectivités et au soutien familial, chacun ayant ses propres règles et standards de pratique professionnelle. Au nom de la Commission internationale pour les personnes disparues (ICMP), j’ai le plaisir de vous présenter le Protocole de Bournemouth pour la protection et l’investigation de charniers.

Sa Majesté la Reine Noor Commissaire de la Commission internationale pour les personnes disparues

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Préface

par Mme Agnès Callamard, Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires Les charniers ne sont pas des accidents isolés dans l’histoire de l’humanité. On en trouve dans le monde entier et dans toutes les régions. Certains datent de plusieurs siècles, alors que d’autres n’ont été découverts que très récemment. Pourtant, tous ont une importante histoire à raconter – des vérités qui ont souvent été non-dites, étouffées, masquées ou enterrées. En tant que Rapporteuse spéciale des Nations Unies spécialisée sur les droits de l’homme dans le contexte des exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, je sais que les charniers peuvent être le résultat de conflits armés, liés à des activités criminelles ou être le résultat d’un État qui manquerait à ses devoirs. Je sais également que les sites de massacres et d’inhumation de masse sont des endroits où de multiples violations des droits de l’homme ont pu être commises, peut-être à plusieurs reprises, au fil du temps. Les significations personnelles, religieuses, culturelles et historiques des charniers et les événements entourant leur création varient d’un endroit à l’autre, d’un individu à l’autre, d’une communauté à l’autre, d’un pays à l’autre. Mais leur portée va au-delà des conflits et transcende les frontières et les générations. Cela rend la préservation de ces charniers et le devoir de mémoire une nécessité pour toutes les générations, passées, présentes et futures, afin de faire nos adieux aux victimes de manière digne et de leur payer nos derniers respects. Par conséquent, en aucun cas l’existence d’un charnier ne doit être niée ou masquée, et le site ne doit être endommagé ou détruit. En aucun cas les personnes qui recherchent ou parlent de charniers ne devraient être emprisonnées, menacées ou réduites au silence. Au lieu de cela, il faut adopter une approche globale basée sur les droits de l’homme. Un traitement, une gestion et une intendance réfléchis sont nécessaires pour préserver la dignité des morts, soulager autant que possible la souffrance des familles et des communautés, et permettre la recherche de la vérité et de la justice et signifie pour chacun, un engagement sans faille afin que l’histoire ne se répète pas.

en faveur d’un engagement plus marqué en ce qui concerne l’ensemble des normes, des standards et des lois relatives aux droits de l’homme applicables aux charniers, au traitement des dépouilles humaines et aux intérêts des familles, des survivants, des communautés et des nations touchés. Une fois appliqué, le Protocole contribuera à faire en sorte que les charniers et les dépouilles humaines qu’ils contiennent soient traiter avec le respect qui leur est dû, sans discrimination et avec dignité, à partir du moment initial de la découverte, de l’enquête jusqu’au travail d’identification, à la poursuite plus complète de la justice officielle, et à la commémoration à plus long terme. En tant que communauté internationale, notre traitement des charniers a souvent été inapproprié, discriminatoire ou, tout simplement, indifférent. Cela doit cesser. Nous pouvons et devons faire beaucoup mieux et plus pour respecter et protéger les divers intérêts et préoccupations des familles, des survivants, des communautés et des sociétés. C’est notre devoir commun envers notre humanité commune.

Le Protocole de Bournemouth pour la protection et l’investigation de charniers constitue une contribution majeure dans cette démarche. Il fournit une définition indispensable des charniers et rassemble les branches du droit international qui soutiennent la protection légale et respectueuse et les efforts d’enquête de manière à permettre aux familles d’exercer leurs droits pour obtenir la vérité et la justice. Le Protocole plaide

Mandat de la Rapporteure spéciale des Nations Unies sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires 2

Dr Agnès Callamard Rapporteure spéciale des Nations Unies sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires


Sommaire

But et champ d’application du Protocole

But et champ d’application du protocole.......................................3 Principes directeurs dans le cadre de la protection et l’enquête des charniers.........................................................................6 A. Découverte et signalement sécurisé...........................................8 B. Protection.............................................................................................8 C. Enquête..................................................................................................9 D. Identification.......................................................................................12 E. Retour des dépouilles humaines..................................................14 F. Justice.....................................................................................................15 G. Commémoration.................................................................................16 Annexe 1....................................................................................................17 Annexe 2....................................................................................................18 Annexe 3....................................................................................................19 Annexe 4....................................................................................................20 Annexe 5....................................................................................................21 Annexe 6....................................................................................................22

Les charniers sont trop souvent un héritage de conflits et de violations flagrantes des droits de l’homme. Pour les survivants, le besoin de connaître le sort et le lieu où se trouvent des êtres chers, et de recevoir la dépouille d’un être cher pour l’enterrer et/ou organiser une cérémonie digne, peut être bouleversant. De plus en plus, ce besoin est reconnu comme un droit juridique de connaître la vérité. Les charniers contiennent des preuves essentielles à la découverte de la vérité, l’intervention de la justice et la reconnaissance de la responsabilité des auteurs. Des règles et des procédures efficaces pour la protection, le maintien et l’enquête des charniers sont donc indispensables. Toutefois, à l’heure actuelle, bien qu’il existe un certain nombre d’approches de meilleures pratiques en vigueur parmi les différents intervenants sur le terrain, il n’existe pas de normes universelles, partagées ou communes. Grâce à un processus participatif et consultatif, ce Protocole répond à ces attentes. Il ne duplique ni ne remplace les documents existants sur les principes et les bonnes pratiques1. Au lieu de cela, il offre une approche unificatrice inter et intra disciplinaire pour la protection et l’enquête des charniers. Il suit la chronologie de ces processus dans leur intégralité avec une multitude d’intervenants, de disciplines et de mécanismes réunis pour le double objectif de faire progresser la vérité et la justice qui se renforcent mutuellement, en fournissant: (1) Un Protocole international pour la protection et l’enquête des charniers, ancré dans les dispositions juridiques pertinentes, combinant et reliant les branches du droit international en matière de droits de l’homme, le droit international humanitaire et - le cas échéant - le droit pénal international ; et

Voir la liste de ses documents pertinents à l’Annexe 1.

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@GraveProtection

massgraveprotection@bournemouth.ac.uk

www.bournemouth.ac.uk/mass-grave-protection

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(2) un commentaire académique au Protocole, reflétant les fondements et les discussions qui ont mené aux diverses dispositions qu’il contient. Le Commentaire académique, publié séparément, met en évidence et élargit les perspectives et les besoins concurrents qui surgissent lors du processus de protection et d’enquête de charniers pour s’assurer que, dans la pratique, ils sont anticipés et, si possible, atténués. Les utilisateurs : Le Protocole est destiné à être utilisé par les praticiens, y compris, mais sans s’y limiter, les fonctionnaires gouvernementaux et d’État, le personnel chargé de l’application de la loi, les représentants juridiques, les experts en médecine légale, les professionnels de la santé, le personnel de sécurité et les intervenants experts de la société civile.2 Champ d’application et application du Protocole : sur la base du cas par cas Le mandat contextuel de ce Protocole est limité aux charniers survenant dans le contexte de violations flagrantes des droits de l’homme et de conflits, tant au niveau interne qu’international. Cela n’exclut toutefois pas que le Protocole soit pertinent pour les charniers survenant dans différentes situations.3 Les victimes dans les charniers peuvent être des hommes, des femmes et/ou des enfants. Il peut s’agir de civils et/ou de combattants armés de part et d’autre d’un conflit. Le Protocole est destiné à s’appliquer sans distinction défavorable et sans égard à l’opinion politique ou autre, à l’association avec une minorité nationale, au sexe, à l’orientation sexuelle, à l’identité sexuelle, à la religion ou aux croyances, à l’âge, à la race, à la couleur de peau, à la langue, à l’origine ethnique, à la caste, à l’origine nationale ou sociale, au handicap physique ou mental, à l’état de santé, à la propriété, à la naissance, à l’état civil ou à tout autre motif reconnu par des instruments juridiques internationaux. Il n’existe pas d’enquête ou d’exhumation « standard » ou « type ». Les enquêtes sur les charniers sont très spécifiques au contexte. Cela peut être dû à des facteurs tels que la compétence géographique et temporelle ainsi que l’environnement politique. Par conséquent, ce Protocole n’est pas destiné à être normatif en termes de meilleures pratiques essentielles dans tous les cas d’exhumation de charniers. Le Protocole fournit plutôt des considérations spécifiques qui visent à soutenir et à informer les praticiens lorsqu’ils s’engagent dans un processus d’enquête dans leurs diverses capacités et à toutes les étapes. À cette fin, il convient de noter que les considérations contenues dans le présent Protocole peuvent ne pas s’appliquer intégralement à chaque enquête. Si le Protocole est conçu pour apporter un soutien sur une base universelle, le praticien déterminera l’applicabilité des aspects spécifiques du Protocole sur la base du cas par cas.

Cela dit, à un niveau minimum et sous réserve de moyens, les normes d’enquête et de protection appliquées à toute situation devraient être suffisantes pour atteindre à la fois les objectifs de vérité et de justice, c’est-à-dire qu’elles devraient résister au regard critique des autorités. Méthodologie Le contenu du Protocole est façonné par l’expérience et la contribution d’experts invités, y compris des experts en médecine légale, des enquêteurs, des juges, des procureurs, du personnel de sécurité/police, des représentants de la société civile et des universitaires, reflétant leur expérience dans le domaine de la protection et les enquête des charniers, de l’expertise dans les droits de l’homme, du droit humanitaire et/ou pénal, ainsi que de la diversité géographique.4 Définitions Aux fins du Protocole, nous proposons les définitions de travail suivantes : • Le terme charnier, non défini dans le droit international, est utilisé ici pour désigner « un site ou une zone définie contenant une multitude (plus d’un corps) de dépouilles humaines enterrées, submergées ou éparpillées en surface (y compris des restes de squelettes, mélangés et fragmentés), lorsque les circonstances entourant le décès et/ou la méthode utilisée pour disposer du corps justifient une enquête pour déterminer leur légalité ». • Personnes disparues signifie « personnes disparues suite à un conflit, à des violations des droits de l’homme et/ou à des violences organisées »5 • Par victime, le Protocole entend « les personnes qui, individuellement ou collectivement, ont subi un préjudice, y compris un préjudice physique ou moral, une souffrance émotionnelle, une perte économique ou une atteinte substantielle à leurs droits fondamentaux, par des actes ou des omissions qui sont en violation des lois pénales applicables dans l’État ou à la suite d’actes qui constituent des violations flagrantes du droit international des droits de l’homme ou des violations graves du droit international humanitaire».6 Conformément au droit international, la définition de la victime utilisée dans le Protocole englobe non seulement les individus situés dans une fosse commune (victimes « primaires » ou « directes »), mais aussi leurs familles et, le cas échéant, les communautés (victimes « secondaires » ou « indirectes »). Dans un souci de clarté, le présent Protocole fait également référence aux « familles », aux « membres de la famille » et aux « communautés impactées » lorsque des dispositions particulières leur sont applicables.7

Cela pourrait inclure des initiatives citoyennes de médecine légale lorsqu’elles sont placées sous les auspices d’une organisation experte de la société civile autorisée. Les initiatives politiques peuvent également « légitimer » les survivants qui peuvent être impliqués dans le processus d’enquête et d’exhumation et qui n’agissent pas à titre professionnel mais entreprennent des exhumations. Pour une discussion plus approfondie à ce sujet, voir le Commentaire académique joint. 3 Par exemple, les catastrophes, y compris les catastrophes d’origine humaine et les décès résultant de l’application des contrôles aux frontières ou de la traite des êtres humains. 4 Des renseignements sur la technique d’échantillonnage pour la participation d’experts sont disponibles dans le Commentaire académique joint. 5 Adapté de l’Union interparlementaire et au CICR (2009), les Personnes disparues – MANUEL à l’intention des parlementaires, page 9, conformément au mandat de la Commission internationale des personnes disparues. Comme pour les charniers, il n’y a pas de définition unique des personnes disparues. La définition suggérée ici est moins étroite dans la conceptualisation que celle qui se trouve dans la résolution de 2019 du Conseil de sécurité des Nations Unies sur les personnes disparues en période de conflits armés, qui fait écho à la définition de 2010 du HCR des personnes « disparues en raison d’un conflit armé international ou non international » uniquement (par. 9). En même temps, cette définition ne comprend pas expressément les migrants disparus, un sujet qui dépasse la portée du Protocole. 6 Il s’agit d’une définition composite de la Déclaration des Nations Unies des principes fondamentaux de justice relatifs aux victimes de la criminalité et aux victimes d’abus de pouvoir, à l’Annexe A, 1, et des Principes fondamentaux et directives des Nations Unies concernant le droit à un recours et à réparation des victimes de violations flagrantes du droit international des droits de l’homme et de violations graves du droit international humanitaire, Annexe V, 8, et fait écho au paragraphe 1 de l’article 24 de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées. 7 Lorsqu’il y a une référence expresse aux « familles », aux « membres de la famille » ou aux « communautés impactées », cela ne suggère en aucun cas que qu’ils ne sont pas également des victimes. En outre, il est reconnu que les membres individuels de la famille et de la communauté pourraient eux-mêmes être des victimes directes d’autres préjudices infligés dans le contexte plus large des violations en cours d’enquête, et dont les charniers font partie. 2

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• Le terme famille, non défini dans le droit international, est utilisé ici comme un concept qui se rapporte à une pratique sociétale dans un contexte spécifique.8 Aux fins du présent Protocole, l’appartenance familiale est importante pour déterminer, par exemple, le parent le plus proche9, la personne qui sera destinataires des restes du/de la défunt(e) et la délivrance de documents juridiques à l’égard du statut d’une personne disparue. L’appartenance familiale doit être déterminée conformément aux lois et aux coutumes et/ou aux pratiques locales. • Médico-légal (selon la signification de l’expression terme « en séance publique ») signifie le domaine scientifique, juridique et sociétal par lequel des affaires sont portées devant les tribunaux et/ou ou soumises à d’autres mécanismes judiciaires (comme un médecin légiste). Format du Protocole Le document énonce les divers processus chronologiques applicables à la protection et à l’enquête des charniers tout en suivant une approche normative, de sorte que le contenu du Protocole a un fondement explicite dans les règles et principes juridiques internationaux. Chaque section commencera donc par un encadré bleu décrivant les dispositions normatives fondamentales dérivées du droit international10 (normes internationales), fournissant ainsi la justification juridique du contenu proposé dans le Protocole.

L’article 24, paragraphe 3, de la Convention internationale pour la protection de toutes personnes contre les disparitions forcées (CDF13) stipule que « Tout État partie prend toutes les mesures appropriées pour la recherche, la localisation et la libération des personnes disparues et, en cas de décès, pour la localisation, le respect et la restitution de leurs restes ». C’est une obligation continue jusqu’à ce que le sort et/ou l’endroit où se trouvent des personnes portées disparues n’aient été établis (CDF - Principes directeurs14, Principe 7). Dans l’ensemble, le devoir de mener une enquête efficace est une obligation de moyens et non de résultats.15 Le droit international humanitaire exige la recherche des personnes décédées (par exemple, CG I, article 15 ; CG II, articles 18 et 21 ; CG IV, article 16 ; Protocole additionnel I, article 17, paragraphe 2)) et des personnes portées disparues (Protocole additionnel I, article 33, paragraphe 2))16. Le droit international humanitaire coutumier suggère que chaque partie au conflit, qu’il soit international ou interne, soit obligée de « prendre toutes les mesures possibles pour rendre compte du sort des personnes disparues suite à un conflit armé » (DIH Coutumier17, Règles 2006, Règle 117).

La base juridique Le point de départ du Protocole dans son ensemble est l’obligation des États de rechercher et d’enquêter.

Les normes internationales L’obligation de rechercher et d’enquêteur En vertu du droit des droits de l’homme, les États ont l’obligation de rechercher et d’enquêter lorsque le droit d’un individu et sa protection ont été bafoués. Le droit à la vie et l’interdiction de la torture ou d’autres traitements cruels, inhumains ou dégradants comprennent des volets procéduraux qui requièrent une enquête efficace (PIDCP11, articles 6 et 7). En vertu du droit régional des droits de l’homme, une enquête doit être rapide, indépendante, approfondie, impartiale et transparente. Ses conclusions doivent être « fondées sur une analyse approfondie, objective et impartiale de tous les éléments pertinents. »12

Tout en reconnaissant que les charniers peuvent être situées dans des contextes où l’on est confronté à des mécanismes mal développés ou inexistants, un système judiciaire surchargé, une insécurité et une multitude de besoins concurrents et simultanés, il y a une exigence explicite de législation nationale et de mise en place d’institutions dédiées. Ces législations et institutions sont considérées comme des conditions préalables à une réponse efficace à tous les cas de personnes disparues. Les normes internationales : Législation sur les personnes disparues et Instance chargée de la recherche des personnes disparues Le CDF exige des autorités compétentes qu’elles disposent de dossiers et de registres officiels de toutes les personnes privées de liberté (Article 17, paragraphe 3). La gestion des registres et des bases de données doit respecter la vie privée des victimes et la confidentialité des informations (CDF - Principe directeur, 11(8)).

La Loi type du CICR sur les personnes portées disparues utilise le terme « proche des personnes disparues » en référence à, et conformément aux dispositions de la législation national applicable (Comité international de la Croix-Rouge (CICR) (2009), Principes directeurs/Loi type sur les disparus, Article 2(2)) (abrégé de la Loi type du CICR sur les personnes portées disparues). 9 Y compris les proches génétiquement apparentés et les parents proches (Massacre de Pueblo Bello Colombie, Décision sur le bien-fondé, Réparations et dépens, Cour interaméricaine des droits de l’homme Séries C N° 140 (31 janvier 2006), para 273 et 274. 10 La liste des dispositions normatives n’aurait donc qu’une valeur indicative. 11 Pacte international relatif aux droits civils et politiques (adopté le 19 décembre 1966, entré en vigueur le 23 mars 1976) 999 STNU 171 (abrégé PIDCP). Voir également Comité des droits de l’homme des Nations Unies (CDH), Observation générale no 36, Article 6 (Droit à la vie) CCPR/C/GC/35 (3 septembre 2019) para 58. 12 Kukhalashvili e.a. contre Géorgie, Décision, CEDH Requêtes no 8938/07 et 41891/07 (2 mai 2020) para 130. 13 Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées (adoptée le 12 janvier 2007 entrée en vigueur le 23 décembre 2010) Doc. ONU A/RES/61/177 (20 décembre 2006) (abrégé CDF). 14 Comité des Nations Unies sur les disparitions forcées, Principes directeurs pour la recherche des personnes disparues (8 mai 2019) Doc. ONU CED/C/7, Principe 7 (ci-après CDF - Principes directeurs). 15 Da Silva contre Royaume-Uni, Décision de la Grande Chambre, CEDH Requête N° 5878/08 (30 mars 2016), par. 231–238, donnant un résumé complet des conditions d’une enquête efficace par la Grande Chambre. 16 La Convention de Genève (I) pour l’amélioration du sort des blessés et des malades dans les forces armées en campagne (adoptée le 12 août 1949) 75 STNU 31 (abrégé CG I) ; Convention de Genève (II) pour l’amélioration du sort des blessés, des malades et des naufragés des forces armées sur mer(adoptée le 12 août 1949) 75 STNU 85 (abrégé CG II) ; la Convention de Genève (IV) relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre (adoptée le 12 août 1949) 75 STNU 288 (abrégé CG IV) ; et le Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux (Protocole I) (adopté le 8 juin 1977, entré en vigueur le 7 décembre 1979) 1125 TSNU 17512 (abrégé Protocole additionnel). 17 Henckaerts J-M. et Doswald-Beck L., (2006) Droit international humanitaire coutumier, Volume I : Règles (abrégées règles du DIH Coutumier). 8

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Il est suggéré qu’une Instance chargée de la recherche des personnes disparues, désignée pour la coordination des efforts de recherche des personnes disparues (Article 7 de la Loi bosniaque sur les personnes disparues18, voir également CDF - Principes directeurs 12(1) et 12(3)) et l’expertise pertinente nécessaire, est suggérée, pour comprendre la responsabilité de la protection et de l’enquête des charniers et de la récupération des dépouilles humaines. L’Instance devrait également fournir des mécanismes sûrs pour recevoir les demandes de recherche (Loi type du CICR sur les personnes portées disparues19, Articles 12 et 12(3)) et créer un registre des personnes disparues et des informations connexes. La résolution de 2019 du Conseil de sécurité des Nations unies souligne la nécessité « d’adopter une législation » (CSNU 247420 à la page 2) au niveau national pour répondre à la question des personnes disparues. La législation devrait être non discriminatoire, assurer la protection, l’enquête et l’identification de toutes les personnes, dans la mesure du possible. Bien que les autorités de l’État ne disposent pas toujours de structures préexistantes pour gérer les circonstances exceptionnelles des charniers avant un conflit, les violations des droits de l’homme ou les catastrophes, il est probable qu’il existe néanmoins un cadre juridique applicable dans lequel les processus sont régis par les lois, la législation et les pratiques du pays touché.21 À moins qu’un mandat juridique international n’ait préséance, le respect de et l’adhésion à ces préceptes juridiques s’appliqueront à tous les intervenants. Ils régiront les questions de savoir qui a le droit de rechercher les personnes disparues et de demander la tenue de l’enquête concernant les charniers, et dicteront les processus de restitution des dépouilles humaines. Une note de mise en garde sur la protection et l’enquête des charniers Malgré l’existence de droits juridiques, les enquêtes sur les charniers ont des obligations de moyens et non de résultats (c’est-à-dire qu’il faut fournir les meilleurs efforts et que cela dépend des ressources disponibles). Les enquêtes sur les charniers sont généralement un processus très complexe, long et coûteux, qui exige une planification, une coordination, des ressources, une autorisation officielle et une volonté politique importantes. L’enquête elle-même aura probablement des répercussions sur de multiples parties prenantes, y compris notamment mais pas uniquement, les survivants individuels et les familles ; les témoins ; les groupes de victimes ; les communautés touchées ; les agences spécialisées ; les ONG ; les autorités locales, régionales et nationales et les organismes d’État ; et les entités internationales telles que les commissions d’enquête des Nations Unies et les organisations internationales. Par conséquent, il y aura un large éventail d’intérêts et de besoins individuels, collectifs et sociétaux, qui pourraient ne pas être compatibles ou facilement conciliables. En outre, dans des situations de grande ampleur, il pourrait ne pas être possible de récupérer, d’identifier et de rapatrier toutes les victimes provenant de charniers, ce qui est susceptible d’avoir des répercussions sur les familles des personnes portées disparues et les communautés touchées.

Cela pourrait également avoir un impact sur la perception de la justice et des activités menées pour que justice soit faite tant à l’échelle nationale qu’internationale, lorsque l’exhumation constitue un aspect d’un processus judiciaire.22 Principes directeurs dans le cadre de la protection et de l’investigation de charniers En plus des facteurs indiqués dans le présent Protocole qui s’appliquent à diverses étapes du processus de protection et d’enquête, il existe un certain nombre de principes directeurs généraux qui devraient éclairer et guider le(s) processus(s) dans leur intégralité, s’appliquant à toutes les étapes, à tous les acteurs, au niveau national et international. Bien qu’ils soient répertoriés séparément ci-dessous, ils sont en pratique interdépendants. (1) Ne causer aucun préjudice Une approche visant à « Ne causer aucun préjudice » sous-tend tous les autres principes fondamentaux, et nécessite une compréhension de la ou des façon(s) potentielle(s) par laquelle/lesquelles la présence et la conduite d’une enquête sur des charniers pourraient affecter le contexte et l’environnement au sens plus large, ainsi qu’une appréciation de la ou des façon(s) dont les impacts négatifs pourraient être évités et/ou atténués dans la mesure du possible. Tout comme les interventions dans le cadre des droits de l’homme, dans les situations de conflit et de post-conflit, ces opérations feront par nature partie de la dynamique plus large du contexte de leur opération. Les communautés pourraient subir un changement social rapide, qui pourrait inclure un certain degré de fluidité dans les structures sociales et de pouvoir et le rétablissement des normes sociales. Une approche visant à « Ne causer aucun préjudice » dans ces circonstances cherchera activement à éviter d’affaiblir les structures et les relations existantes qui sont essentielles au maintien de la paix et de la coexistence au sein des communautés. Elle devrait également s’efforcer d’éviter de créer des inégalités ou des perceptions de partialité ou de favoritisme, y compris en ce qui concerne le statut et les ressources, ou de conforter les inégalités existantes, y compris en ce qui concerne l’égalité entre les sexes. Elle comprendra un respect clair et, dans la mesure du possible, une adhésion aux sensibilités et aux normes culturelles, et les croyances religieuses connues des victimes et/ou celles de leurs familles devraient être prises en considération dans la mesure du possible et sous réserve qu’elles ne nuisent pas à la conduite d’une enquête efficace. (2) Sécurité physique et émotionnelle La sécurité physique et émotionnelle de l’équipe chargé de l’enquête, des familles des personnes portées disparues, des témoins et de toute autre partie impliquée dans l’enquête est primordiale. La sécurité, la dignité, la vie privée et le bien-être des victimes et de leurs familles devraient rester une préoccupation majeure pour tous les intervenants sans distinction. Cela peut nécessiter avoir recours à des initiatives visant à soutenir la sécurité physique et psychologique des personnes, y compris les orienter vers des services adaptés et adopter les approches envisagées lors de la conduite des entretiens avec des personnes potentiellement traumatisées. De plus, il faut veiller à réduire au minimum l’incidence des traumatismes indirects et des autres effets émotionnels négatifs parmi les membres de l’équipe et d’y répondre.23

Bosnie-Herzégovine : Loi sur les personnes disparues (21 octobre 2004), Journal officiel de la Bosnie-Herzégovine 50/04. Loi type du CICR sur les personnes portées disparues. 20 Conseil de sécurité des Nations Unies, résolution 2474, du 11 juin 2019, Doc. ONU S/RES.2474. 21 Voir, par exemple, Interpol (2018) Guide d’identification des victimes de catastrophes, Partie B, Annexe 1, Section 4.1. 22 La liaison entre la famille et la communauté, y compris la gestion des attentes, est traitée plus en détail ci-dessous, dans les principes directeurs et dans la Section C du présent Protocole. 23 Voir, par exemple, le chapitre 12 du Manuel du suivi des droits de l’homme du HCDH, qui contient des recommandations détaillées sur les entretiens avec des personnes traumatisées, ainsi que sur les soins personnels. 18 19

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Des stratégies et des activités de protection spécifiques devraient également être élaborées. Le public devrait être informé de l’existence des mesures de protection afin de le rassurer et d’encourager sa participation au processus d’enquête. Lorsque la situation en matière de sécurité le permet, le contenu spécifique des mesures de protection relatives aux familles des victimes et aux éventuels témoins pourrait également être placé dans le domaine public. Les personnes qui participent directement à une enquête devraient être informées du contenu des mesures de protection pertinentes, y compris les limites du programme de protection offert afin que toute participation à l’enquête soit fondée sur une décision éclairée. Le respect de la dignité des victimes comprend le traitement respectueux et prudent des dépouilles humaines. La question de la sécurité devrait être réexaminée. (3) Indépendance et impartialité Une approche non discriminatoire et impartiale devrait s’appliquer à tous.24 Pour qu’une enquête soit perçue comme légitime aux yeux d’une communauté touchée et qu’elle encourage ainsi la participation de la communauté, le soutien d’un État de droit et la responsabilité du public, toute équipe chargée de l’enquête doit non seulement agir en toute indépendance et impartialité, mais elle doit également être perçue comme telle. Dans la mesure du possible, les équipes chargées de l’enquête devraient chercher à éviter, limiter ou atténuer les situations qui pourraient faire que leurs activités soient perçues comme étant sous une influence ou un contrôle politique, religieux ou ethnique. Il convient toutefois de noter que les charniers se situent généralement dans un contexte politique et/ou culturel très chargé, où les problèmes peuvent encore subsister au moment de l’enquête. En conséquence, les équipes chargées de l’enquête devraient être conscientes que l’exhumation des corps retrouvés dans un charnier en particulier pourrait, en soi, être perçue comme un acte de partialité dans certains secteurs de la société. (4) Confidentialité L’assurance et le respect de la confidentialité en ce qui concerne les informations personnelles et d’autres données d’identification peuvent être essentiels pour établir la confiance avec les familles des victimes supposées et assurer leur sécurité. Cela pourrait jouer un rôle déterminant dans le signalement d’éventuels sites où se trouveraient des charniers, l’identité des parents portés disparus et la fourniture de données relatives aux personnes portées disparues et d’échantillons de référence d’ADN. Les procédures de confidentialité devraient être établies, comprises et appliquées par tous les membres de l’équipe chargée de l’enquête. Les conditions des procédures de confidentialité devraient être conformes aux dispositions nationales, communiquées aux communautés touchées et rendues publiques. Les familles des personnes portées disparues et les autres membres de la communauté devraient également être informés des limites des procédures de confidentialité. Lorsque les processus d’identification et/ou d’enquête impliquent la nécessité ou l’obligation de partager des données, le processus, la nature et le but du partage devraient être rendus apparents dès que possible. Tout partage de données devrait être uniquement limité aux personnes et organismes nécessaires afin que les objectifs du processus d’exhumation puissent être atteints, et dans la mesure convenue par la ou les personnes concernées.

(5) Transparence Toutes les étapes du processus d’enquête, d’exhumation, d’identification et de retour des dépouilles humaines devraient être aussi transparentes que possible pour toutes les parties impliquées dans l’effort de protection et d’enquête, les familles des personnes portées disparues et le public. La transparence permettra de résister à l’examen public du processus. L’établissement de procédures et de protocoles officiels, clairs, transparents et accessibles pour guider le processus sera essentiel. Lorsque les praticiens experts sont membres d’organismes statutaires/réglementaires, les processus selon lesquels ces organismes attestent de la compétence de ses membres devraient également être accessibles et transparents afin d’améliorer la perception du public et de la famille par rapport à la crédibilité des praticiens. Le cas échéant, l’accréditation spécifique des laboratoires scientifiques utilisés dans le cadre de l’examen d’échantillons ou de tissus humains devrait être disponible, ainsi que toute procédure scientifique, technique et administrative existante adoptée par le laboratoire. Toute limite de la transparence devrait être strictement nécessaire, conforme aux droits à la dignité et à la confidentialité des victimes et de leurs familles, et servir un but légitime, y compris la sécurité de tous les intervenants actuels et potentiels impliqués. (6) Communication L’établissement et le maintien rapides de stratégies et de canaux de communication (y compris par le biais des réseaux sociaux) avec la communauté touchée, les médias et le public de manière plus générale sont essentiels pour instaurer la confiance, la bonne volonté et la légitimité de l’opération. Cela favorisera également la réalisation d’autres aspects essentiels, y compris le signalement - à la fois des charniers et des personnes portées disparues - ainsi que la participation dans les processus d’identification et d’enquête. Une communication claire et continue fournit également une plate-forme de transparence. Les stratégies de communication devraient idéalement envisager et permettre un flux d’informations bidirectionnel et prévoir la transmission de mises à jour régulières. (7) Des attentes réalistes Les familles des personnes portées disparues nourrissent peut-être de grands espoirs que leurs proches seront identifiés et leur seront retournés pour leur permettre d’organiser une cérémonie digne. Dans la pratique, cependant, l’identification et le retour des dépouilles humaines ne sont pas toujours être possibles, et les attentes doivent être gérées autant que possible pour garantir un engagement et un soutien continus des familles pour le processus d’exhumation. Les difficultés peuvent être particulièrement importantes dans les situations où des atrocités ont été perpétrées à grande échelle, lorsqu’on est face à un grand nombre de charniers et de personnes disparues, lorsque les charniers ne sont pas découverts et/ou lorsque le manque de capacités et de ressources sont susceptibles d’entraver les efforts d’exhumation /ou d’identification. Toutes les parties impliquées dans la protection et l’investigation des charniers devraient éviter de prendre des engagements envers les familles qu’elles pourraient être incapables de tenir.

Cela pourrait notamment impliquer l’adoption d’approches d’enquête différentes dans les cas, par exemple, des femmes, des personnes âgées, des personnes

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traumatisées et/ou des enfants, lorsqu’il existe dans la pratique des difficultés ou des inégalités factuelles.

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A. Découverte et signalement sécurisé Les normes internationales En vertu du droit international des droits de l’homme, le Comité des Disparitions Forcées (CDF) exige la mise en œuvre au niveau national d’un droit significatif de signaler, afin de s’assurer qu’une personne qui déclare qu’une disparition forcée s’est produite peut signaler les faits aux autorités compétentes tout en bénéficiant d’une protection adaptée (CDF Article 12(1)). Même sans plainte officielle, tant qu’il existe des motifs raisonnables de croire qu’une disparition forcée s’est produite, les autorités sont tenues d’enquêter (CDF, Article 12, paragraphe 2)). En vertu du droit international humanitaire, les parties au conflit doivent consigner toutes les informations d’identification avant d’inhumer des dépouilles humaines et marquer le lieu ou se trouve la tombe (DIH Coutumier, Règle 116 ; CG IV, Article 130). L’ouverture d’une enquête sur la découverte de charniers pourrait dépendre du fait que les autorités aient été d’abord alertées de la présence présumée d’un charnier. Les systèmes nationaux peuvent même stipuler un devoir de signaler.25 Toutefois, de tels signalements pourraient ne pas toujours être publiés lorsque « l’informateur » (qui peut ou non être le parent d’une personne portée disparue) souhaite rester non détecté ou inconnu des autorités. Signalement sécurisé : La mise en place de procédures sécurisées pour informer les autorités est nécessaire.26 Les personnes ou les organismes peuvent être les premiers à découvrir ou à entendre le signalement de charniers soupçonnés. Le signalement peut inclure ou devrait déclencher l’enregistrement de l’emplacement d’un charnier présumé. Pour ce faire, on utilise des services et des outils géomatiques pour enregistrer les coordonnées et les emplacements afin de localiser les sites, tels que : • Les systèmes de géolocalisation (GPS) ou le Système de référence de carroyage militaire (MGRS) ; • Les cartes sur un téléphone portable ; • Les métadonnées des photos prises sur les smartphones. La documentation préliminaire du site peut être effectuée via : • Des photographies ; • Des enregistrements vidéo ; • Des descriptions écrites ou enregistrées sur des fichiers audio d’un site ; • Un dessin ou une identification sur une carte. Cela peut être fait par les premiers intervenants, les reporters ou la population locale qui ont repéré un site éventuel.27 Les organismes/fonctionnaires en charge de l’enquête qui entreprennent une évaluation initiale du site devront ensuite

intervenir. Les équipements tels que les drones, les satellites et d’autres systèmes de scannage non invasif, le cas échéant, peuvent être utilisés pour élaborer la documentation.

B. Protection Les normes internationales Pour mener efficacement une enquête, y compris pour assurer l’intégrité des preuves obtenues d’un site, il est essentiel qu’un charnier ne soit pas altéré ni perturbé par des tiers (y compris les premiers intervenants). CDF Articles 12(3) prescrit que les autorités disposent des « pouvoirs et des ressources nécessaires pour mener l’enquête à bien, y compris l’accès à la documentation et à d’autres informations pertinentes pour leur enquête » (caractères gras ajoutés). La jurisprudence en matière de droits de l’homme met l’accent sur la diligence raisonnable et suggère que « les autorités doivent prendre les mesures raisonnablement disponibles pour obtenir des preuves ».28 En vertu du droit international humanitaire, l’Article 34, paragraphe 2(b) du Protocole additionnel I exige la protection des sites de sépulture. Il est également nécessaire de « prendre toutes les mesures possibles pour empêcher que les morts ne soient dépouillés », la profanation ou la mutilation des cadavres étant catégoriquement prohibées (Règles du DIL Coutumier, Règle 113 ; Statut de la Cour pénale internationale. Article29 8(2)b)(xxi) et 8(2)c) (ii) en tant que crime de guerre) ; et l’inhumation respectueuse des morts, y compris le respect et l’entretien de leurs tombes (Règle 115) sont requises. Le pillage des morts, même sans l’infraction supplémentaire du meurtre, constitue un crime.30

La protection du site est primordiale pour préserver l’intégrité des dépouilles humaines et des éléments de preuve et des lignes d’enquête, mais pourrait en même temps attirer l’attention sur la fosse commune comme site d’intérêt, ce qui augmente le risque de destruction des éléments de preuve. L’exhumation inadéquate pourrait entraîner une collecte incomplète et inadaptée des preuves requises à des fins d’identification et/ou d’enquête criminelle, le non-respect des normes appropriée lors de la collecte de preuves et des dommages post-mortem accrus causés aux dépouilles humaines. Une récupération inadéquate des corps peut également entraîner un traitement irrespectueux (y compris une exposition au public) et exacerber les traumatismes des familles. La protection peut être un rempart contre les images non autorisées et traumatisantes prises et diffusées.

Voir, par exemple, la Loi irakienne n° 13 de 2015, Loi sur les affaires et la protection des charniers, modifiant la Loi n° 5 de 2006, sur la Protection des charniers, Article 9. De même, l’Article 231a du Code pénal de Bosnie-Herzégovine de 2003, criminalise l’omission de signaler une fosse commune et est passible d’une peine de prison (Bosnie-Herzégovine : Code pénal (27 juin 2003), Journal officiel de la Bosnie-Herzégovine 37/03). 26 La Commission internationale pour les personnes portées disparues ICMP, par exemple, offre un centre de consultation en ligne et, par le biais de son Localisateur de site, tout le monde peut effectuer un signalement. 27 Global Rights Compliance (2016), Normes fondamentales d’enquête pour les premiers intervenants en matière de crimes internationaux. 28 Treskavica c. Croatie, Décision, CEDH Requête n° 32036/13 (12 avril 2016), paragraphe 60, notant que cela comprend la preuve judiciaire. Des informations sur la façon de traiter une scène de crime potentiel figurent dans le Manuel de 2011 pour appuyer les enquêtes criminelles internationales, à la section 7.1 sur la Sécurisation de la scène de crime, page 65. Les protocoles du Minnesota stipulent que « [une] scène de crime devrait être sécurisée le plus tôt possible et que le personnel non autorisé ne peut pas y avoit accès » (page 14, paragraphe 59). 29 Statut de Rome de la Cour pénale internationale (adopté le 17 juillet 1998, entré en vigueur le 1 juillet 2002) 2187 STNU 3 (abrégé St. CPI). 30 Pohl et al. Tribunal militaire de Nuremberg (3 novembre 1947). 25

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La protection sauvegarde en outre les dépouilles humaines contre la contamination, la profanation, le pillage, les charognards et le déplacement de corps vers des sites secondaires, lorsqu’un auteur cherche à échapper aux poursuites. L’intrusion et la falsification non autorisées peuvent constituer une infraction pénale au sein du système national.31 Les conditions préalables à un régime de protection efficace : • La vérification des rapports et des preuves par triangulation avec d’autres sources. • Cartographier et documenter les charniers en fonction de leur échelle et du contexte local dans lequel ils sont situés. Les mesures de protection nécessaires peuvent inclure : • Sécurisation du site et sécurisation de l’accès: une permission légale32 pour accéder à la terre devrait être demandée et obtenue. Cela peut également nécessiter la liaison et le consentement de la communauté dans la pratique. L’accès peut être affecté par la présence de sites de grande importance culturelle, de facteurs géographiques et de contrôle. Les dangers inhérents à un site peuvent inclure des munitions non explosées et des contaminants. • Les mesures de protection peuvent comprendre : placer des clôtures pour sécuriser les périmètres extérieurs ; une bâche horizontale pour protéger les restes en surface et des vigiles et une surveillance sur place. Ces mesures dépendent également de la durée entre la découverte et l’enquête, du contexte local et de la vulnérabilité du site (c’est à dire. l’exposition aux éléments et aux animaux). La sécurisation du site peut nécessiter des mesures de sécurité pour ceux qui offrent des mesures de protection, car l’opinion publique pourrait être contre eux. • L’accès physique peut ne pas toujours être possible, par exemple lorsque les enquêteurs ne peuvent entrer dans le pays. La surveillance hors site par image satellite peut être la seule mesure de protection disponible. La protection doit être assurée, qu’un site ait été visité ou non.

C. Enquête Les normes internationales En vertu du droit relatif aux droits de l’homme, l’obligation de mener une enquête efficace signifie que l’enquête doit être indépendante et adéquate (par exemple, Article 12 du CDF), capable de déterminer les faits et d’identifier les responsables.33 Cela comprend l’obtention de preuves médico-légales et effectuer des autopsies pour un dossier complet et précis et une analyse indépendante des blessures et de la cause du décès de la victime.34 L’équipe en charge de l’enquête doit être investie d’un pouvoir suffisant pour obtenir des renseignements et amener les hauts responsables à rendre compte. Elle doit être menée rapidement ; de manière générale, il s’agit d’une obligation continue d’enquêter35 mais c’est une obligation de moyens et non de résultats.36 La Cour interaméricaine des droits de l’homme souligne la nécessité d’une enquête pour examiner le contexte global et les complexités entourant les événements37 pour reconstituer la « vérité historique la plus complète possible, y compris déterminer les modèles d’action collective »38 conformément au droit de connaître la vérité (par exemple, Article 24(2) du CDF) Le Comité des Disparitions Forcées (CDF) précise également à l’Article 12, paragraphe 4, que les États parties devraient « prendre les mesures nécessaires pour prévenir et sanctionner les actes qui entravent le déroulement de l’enquête. » Le cas échéant, cela peut inclure une collaboration internationale entre les États et les agences concernés (CDF Principes directeurs, Principe 3(4)). Les enquêtes poursuivant des objectifs purement humanitaires peuvent ne pas « être suffisantes pour répondre à la norme d’une enquête efficace », comme l’exige l’Article 239 de la Convention européenne. Selon les principes de l’Orentlicher40, « indépendamment de toute procédure judiciaire, les victimes et leurs familles ont le droit imprescriptible de connaître la vérité sur les circonstances dans lesquelles les violations ont eu lieu et, en cas de décès ou de disparition, sur le sort des victimes ». En vertu du droit international humanitaire, les familles ont le droit d’être informées du sort des membres de leur famille et peuvent avoir recours à l’État pour leur fournir les informations (Article 32 du Protocole additionnel I). La règle 117 du DIL Coutumier suggère que dans les conflits armés tant internationaux que non

Voir, par exemple, la Loi irakienne n° 13 de 2015, Loi sur les affaires et la protection des charniers, modifiant la Loi n° 5 de 2006, sur la Protection des charniers. Principe 10, paragraphe 3 des Principes directeurs de 2019 pour la recherche de personnes disparues exige que « Les autorités habilitées à mener des opérations de recherche doivent être dotées des pleins pouvoirs pour accéder sans entrave et sans préavis à tous les lieux où pourraient se trouver les personnes disparues, y compris les installations militaires, les locaux de la police et les lieux privés ». Le cas échéant, cela devrait inclure la « préservation des sites pertinents à la recherche » (ibid). 33 Kukhalashvili e.a. contre Géorgie, Décision, CEDH Requêtes no 8938/07 et 41891/07 (2 avril 2020) para 129. 34 Ibid, au paragraphe 129. 35 Aslakhanova e.a. contre la Russie, Décision, CEDH Requêtes No 2944/06 et 8300/07, 50184/07, 332/08, 42509/10 (18 décembre 2012) paragraphe 230. 36 Da Silva contre Royaume-Uni, Décision de la Grande Chambre, CEDH Requête N° 5878/08 (30 mars 2016), par. 231–238, donnant un résumé complet des conditions d’une enquête efficace par la Grande Chambre. 37 Les massacres d’El Mozote et d’autres lieux contre El Salvador, Décision sur le bien-fondé, Réparations et dépens, Cour interaméricaine des droits de l’homme Séries C N° 252 (25 octobre 2012) paragraphe 299. 38 Valle Jaramillo et d’autres lieux contre la Colombie, Décision sur le bien-fondé, Réparations et dépens, Cour interaméricaine des droits de l’homme Séries C N° 192 (27 novembre 2008) paragraphe 102. 39 Chypre contre la Turquie, Décision de la Grande Chambre, CEDH Requête n° 25781/91 de la CEDH (10 mai 2001), paragraphe 135. 40 Commission des Nations Unies pour les droits de l’homme, Rapport de l’expert indépendant chargé d’actualiser l’Ensemble des principes pour lutter contre l’impunité (18 février 2005) Doc ONU E/CN.4/2005/102/Add.1 (abrégés Principes Orentlicher) Principe 4. 31 32

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internationaux, les parties au conflit ont « l’obligation d’élucider le sort des personnes portées disparues ». Les Lignes directrices de 2019 pour les enquêtes criminelles à la suite de violations du droit international humanitaire41 exigent que les normes appliquées dans le cadre d’une enquête soient conformes aux principes d’indépendance et d’impartialité (Ligne directrice 7) ; la rigueur (Ligne directrice 8) ; la diligence (Ligne directrice 9) et la transparence (Ligne directrice 10) et la Cour pénale internationale exigeant des enquêteurs « d’observer les normes les plus élevées d’intégrité et de conduite ».42 Les enquêtes sur les charniers peuvent faire partie intégrante d’une enquête en cours plus vaste sur des homicides résultant potentiellement d’actes illégaux. Les renseignements sur le contexte des charniers, fournis par des témoins, des membres de la communauté et des survivants, peuvent contenir des informations précieuses pour la protection et l’investigation de ces charniers.43 Les protocoles du Minnesota stipulent les exigences minimales suivantes pour l’enquête sur les homicides résultant potentiellement d’actes illégaux : « (a) Identifier la ou les victimes ; (b) Récupérer et conserver tous les éléments de preuve permettant de faire la lumière sur les causes de la mort, l’identité du ou des auteurs et les circonstances de la mort ; (c) Identifier les témoins éventuels et obtenir leur témoignage concernant la mort et les circonstances l’entourant ; (d) Déterminer la cause, le lieu, la date et l’ensemble des circonstances de la mort, ainsi que la manière dont elle s’est produite. (...) et (e) Identifier les personnes impliquées dans la mort et déterminer quelle est leur responsabilité individuelle à cet égard.» (voir D.1.25. Page 7, notes de bas de page omises). Questions particulières à prendre en considération dans les bonnes pratiques d’enquête sur les charniers : La phase de planification

(2) Plans d’accès de la communauté et d’atténuation des effets négatifs • Il est essentiel d’établir des relations et d’instaurer la confiance en expliquant le but et les processus de l’enquête et en gérant les attentes réalistes. Cela permettra d’obtenir un accès au site, au contexte, aux informations et une acceptation dans la pratique. • La planification devrait anticiper et chercher à atténuer l’impact de la communauté tout en préservant l’intégrité de l’enquête. (3) Plans pour les ressources, l’équipe et l’approvisionnement Un budget et un plan clairs pour les ressources disponibles et nécessaires à l’enquête doivent être établis. Cela comprendra la taille et la composition de l’équipe à déployer, les rôles du personnel (assurer la continuité dans la mesure du possible) et la phase de recrutement.47 Il faudrait envisager, le cas échéant, l’utilisation d’enquêteurs locaux (tenir compte également des besoins en formation) pour le renforcement des capacités à long terme. (4) Plans de sureté et de sécurité La sureté du site ainsi que la sécurité physique et psychologique du personnel sont primordiales. Certains sites peuvent être trop dangereux pour effectuer des fouilles48 ou en raison de conditions météorologiques défavorables. Une assistance spécialisée pourrait être nécessaire pour gérer les dangers tels que les toxines, les mines antipersonnel et les engins explosifs improvisés (EEI). En plus de la sureté sur le site, il faut également penser à la sécurité pendant le transport du personnel vers et depuis le site et pendant les travaux de liaison. (5) Plans de portée, d’échelle et de chronologie La portée, y compris les délais et les paramètres, d’une enquête prendra en compte l’échelle et la chronologie des fouilles et des analyses des charniers. (6) Plans pour les Procédures Opérationnelles Normalisées et les rapports

• Qui devrait planifier le processus d’exhumation, d’identification et de restitution des dépouilles humaines ?

L’utilisation de Procédures Opérationnelles Normalisées, de normes et de protocoles en matière de preuve qui sont universellement reconnus pour le traitement et l’enregistrement des preuves garantira la qualité, la cohérence et la transparence des processus et devra être approuvée. En outre, un système de contrôle de la qualité devrait être élaboré pour être mis en œuvre.

• Quelle est la portée de l’investigation planifiée ?

(7) Plans pour les facteurs extérieurs

(1) Considérations de planification globales • Quelle entité a la responsabilité globale des charniers dans le contexte de l’effort plus large de la recherche des personnes portées disparues ?44

• Quelles équipes multidisciplinaires doivent être assemblées et avec quels niveaux de responsabilité ?45 • Quelles entités ou autorités supplémentaires sont susceptibles d’être impliquées et comment seront-elles coordonnées collectivement ?

La contamination, la mise en commun et les « fouilles » effectuées par des tiers peuvent avoir un impact sur la phase de planification.

• Où se situe l’enquête sur les charniers par rapport à d’autres activités d’enquête ou des activités d’enquête plus larges ?46

Académie de Genève et Comité international de la Croix-Rouge (CICR) (2019), Lignes directrices pour les enquêtes sur les violations du droit international humanitaire : droit, politiques et bonnes pratiques. 42 Cour pénale internationale (2008), Code de conduite des enquêteurs, ICC/ai/2008/005 section 4.1. 43 Le Protocole du Minnesota, par exemple, comporte une section sur l’Audition et la Protection des témoins, y compris des Directives détaillées pour les auditions (à la section V, B. pages 33-35). 44 Cela dépendra de la structure institutionnelle, de la compétence et du mandat. 45 Voir l’annexe 2 sur les disciplines et les experts qui peuvent faire partie de l’équipe. Pour plus d’informations sur les rôles des responsables dans le cadre de l’identification des victimes de catastrophes, voir l’annexe 8 : Rôles des responsables IVC du Guide d’identification des victimes de catastrophes d’Interpol. 46 Des dispositions générales relatives à la conduite d’une enquête sur des homicides résultant potentiellement d’actes illégaux se trouvent dans la section IV du Protocole du Minnesota sur la conduite d’une enquête (pages 12-15). D’autres directives détaillées pour les enquêtes sur les lieux du crime se trouvent dans le Protocole du Minnesota, à la section V, pages 30 à 32. 47 Les procédures visant à protéger l’expérience, l’expertise et la pertinence ainsi que sauvegarder les chaînes d’approvisionnement peuvent en faire partie. 48 MANUI et HCDH (2018) Révéler les atrocités : Les charniers sur un territoire anciennement contrôlé par l’ISIL. 41

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(8) Plans de disposition, de stockage des données, de conservation et de protection Conformément à la portée de l’enquête, la disposition (utilisation et élimination) des échantillons de référence, des échantillons de tissus humains et des éléments de preuve connexes devrait être établie. Des structures claires doivent être en place pour toutes les données, y compris leur stockage, leur protection et leur conservation, conformément aux dispositions nationales de l’État relatives aux données, mais également aux dispositions internationales.49 (9) Plans des processus pour la restitution des dépouilles humaines et/ou leur stockage après l’exhumation Avant que ne débute l’exhumation, il devrait y avoir une stratégie claire pour le processus de restitution des dépouilles humaines et, en cas de non-identification, de stockage digne ou d’enterrement. (10) Plans de stratégie de communication (y compris l’utilisation d’images) et de coordination (10.1) Communication interne, coordination et plan de mise en œuvre approprié. (10.2) Communication externe et coordination entre l’équipe en charge de l’enquête et les instances judiciaires saisies, en particulier lorsque les efforts d’identification de la personne ne relèvent pas des instances judiciaires nationales ou internationales. (10.3) Communication externe et coordination entre l’équipe en charge de l’enquête et les victimes, les familles, les communautés ainsi que la liaison avec les médias. Une communication rapide et continue est essentielle au développement du soutien de la légitimité et de l’engagement dans le processus d’exhumation. Cela inclura la garantie que les dépouilles humaines seront traités avec soin, dignité et respect, et conservés en sécurité. Cela est par la suite essentiel à la réalisation de la mission d’identification et de restitution des dépouilles humaines, et permet d’instaurer la confiance dans le droit et à l’acceptation des conclusions judiciaires.

L’approche de l’enquête judiciaire Conformément aux étapes de planification ci-dessus, l’approche de l’enquête judiciaire nécessitera les éléments suivants : (1) L’utilisation de Procédures Opérationnelles Normalisées À tout moment et à toutes les étapes, les L’utilisation de Procédures Opérationnelles Normalisées50 convenues devraient s’appliquer. Cela permettra de préserver l’intégrité de l’enquête (notamment en ce qui concerne l’identité des victimes, le recouvrement et la préservation de toutes les preuves relatives à l’identité, à la cause, à la manière, au moment, au lieu de décès, au déplacement des dépouilles humaines ainsi qu’à l’identité de ou des auteurs. (2) L’utilisation de mécanismes de contrôle de la qualité Un mécanisme de contrôle de la qualité garantit que toutes les Normes Opérationnelles Normalisées sont respectées. (3) L’utilisation d’un système approprié de traitement, d’enregistrement, de déclaration et de préservation des preuves Cela comprendra le recouvrement et le transport adaptés, sûrs et dignes des dépouilles humaines, ainsi que des mesures pour éviter toute contamination. Toutes les preuves (en termes de cause, de mode et d’heure du décès, de renseignements démographiques, de nombre total d’individus ainsi que les identités) doivent être conservées, enregistrées, analysées de manière compétente et signalées, tout en maintenant une chaîne de traçabilité claire pour les processus de responsabilité potentielle et d’identification. (4) L’utilisation d’une stratégie de communication Encourager la participation réelle avec l’agent de liaison de la famille et de la communauté, le cas échéant, la coordination avec les institutions judiciaires/instances saisies et les médias.

Toute communication publique devrait être exacte, sans ambiguïté, régulière et opportune. Elle doit inclure des informations sur : • le processus de recouvrement et de restitution des dépouilles humaines ; • l’existence (et le contenu, le cas échéant) de protocoles/ mesures de protection et de confidentialité ; • le certificat de décès ; • la disponibilité d’un soutien psychosocial adapté pour les familles ; et • elle doit s’efforcer de gérer les attentes.

Telles que la Déclaration universelle sur la bioéthique et les droits de l’homme (UNESCO 2005), concernant la recherche biomédicale, les sciences de la vie et les technologies qui leur sont associées, y compris la génétique ; la Déclaration internationale sur les données génétiques humaines (UNESCO 2003), concernant la collecte, le traitement, l’utilisation et la conservation des données et des échantillons génétiques humains ; la Déclaration universelle sur le génome humain et les droits de l’homme (UNESCO 1997), concernant la recherche, le traitement ou le diagnostic affectant le génome d’un individu ; la Convention sur les droits de l’Homme et la biomédecine, la Convention d’Oviedo (Conseil de l’Europe, 1995), qui protège la dignité et l’identité des êtres humains en matière de biologie, de médecine, de recherche biomédicale et de tests génétiques. Voir également AABB Advancing transfusion and Cellular Therapies Worldwide (2010), Guidelines for Mass Fatality DNA identification Operations pour des informations sur les dispositions dans le contexte des efforts d’identification (page 11). 50 Tels que le Protocole du Minnesota et en particulier ses Directives détaillées pour la fouille de sépultures, à la Section C, pages 36-37. 49

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D. Identification Les normes internationales L’Article 15 du CDF stipule : « Les États parties coopèrent entre eux et s’accordent l’entraide la plus large possible pour porter assistance aux victimes de disparition forcée ainsi que dans la recherche, la localisation et la libération des personnes disparues et, en cas de décès, dans l’exhumation, l’identification des personnes disparues et la restitution de leurs restes. » (caractères gras ajoutés). Les informations doivent également être communiquées à des personnes ayant un intérêt légitime pour cette information, par exemple les proches de la personne concernée (ibid, Article 18). Et l’Article 24(3) du CDF exige la restitution des dépouilles humaines. Les États sont tenus de fournir des informations documentaires sur la personne décédée51 et d’allouer les ressources nécessaires pour la fouille des sites où les personnes ont été enterrées, y compris pour la collecte, le stockage et l’identification des dépouilles humaines.52 La délivrance d’un certificat de décès est d’une importance majeure.53 En outre, dans le cas du Massacre de Pueblo Bello contre la Colombie, la Cour interaméricaine a suggéré que l’État devrait exhorter le public de lui transmettre des informations qui pourraient aider à l’identification des victimes.54 La valeur de l’analyse de l’ADN comme principal moyen d’identification est reconnue (Principes de Paris de l’ICMP, Principe 6).55 Le droit international humanitaire coutumier prévoit que les parties au conflit (qu’elles soient internationales ou non) doivent retourner sur demande les restes des personnes décédées (Règle 114 du DIH coutumier). En outre, « Chaque partie au conflit doit prendre toutes les mesures pratiquement possibles pour élucider le sort des personnes portées disparues par suite d’un conflit armé, et doit transmettre aux membres de leur famille toutes les informations dont elle dispose à leur sujet » (Règle 117 du DIH coutumier). Le CICR élargit cette position : « Une fois qu’il a été établi qu’une personne portée disparue est décédée, tous les moyens disponibles doivent être mis en œuvre pour permettre la récupération du corps ainsi que des éventuels effets personnels » (CICR, Loi type sur les personnes portées disparues, Article 19).

Les dispositions couvrent également les pratiques requises dans le cadre de l’inhumation, de l’exhumation et de la cérémonie commémorative, ainsi que la façon de traiter les dépouilles humaines non identifiées, demandant que les dossiers soient conservés, que les efforts d’identification se poursuivent et que la famille soit informée. Bien que l’identification constitue un aspect crucial des enquêtes et de l’exercice des droits, elle est généralement comprise comme une obligation de moyens.56 L’identification des dépouilles humaines est une condition préalable à la restitution des restes aux familles pour faciliter les pratiques commémoratives, mais également pour que la famille puisse recevoir un certificat de décès.57 Les exigences sur site : La récupération, l’enregistrement et la garde des dépouilles humaines et des éléments de preuve connexes devraient être conformes aux dispositions de la section sur l’enquête. Les efforts à l’extérieur du site : L’examen post-mortem58 et des preuves associées sont entrepris à la morgue. Ce travail exige généralement une planification et une affectation spécifiques de ressources supplémentaires. En outre, les éléments suivants sont requis : • le maintien d’une chaîne de traçabilité claire pour les processus d’identification et de responsabilisation ; • des installations suffisantes pour le stockage et la conservation des dépouilles humaines ; et • la capacité pour les familles qui se rendent à la morgue d’identifier et/ou de visualiser les preuves associées. La collecte de données sur les personnes disparues, y compris des échantillons d’ADN de référence auprès de la famille est nécessaire pour établir les renseignements qui faciliteront l’identification. Ces données doivent être recueillies en toute confidentialité afin de protéger les droits des survivants et des personnes décédées. Ces pratiques relatives aux données à caractère personnel, aux informations génétiques et au stockage de ces informations doivent être conformes aux dispositions nationales relatives aux données, mais également aux dispositions internationales.

Les massacres d’El Mozote et d’autres lieux contre El Salvador, Décision sur le bien-fondé, Réparations et dépens, Cour interaméricaine des droits de l’homme Séries C N° 252 (25 octobre 2012) paragraphe 334. 52 Aslakhanova e.a. contre la Russie, Décision, CEDH Requêtes No 2944/06 et 8300/07, 50184/07, 332/08, 42509/10 (18 décembre 2012) paragraphe 226. 53 La délivrance et le traitement des certificats de décès étaient au cœur de la Convention des Nations Unies sur la Déclaration de décès des personnes disparues après la Seconde Guerre mondiale (1939-1945) qui était en vigueur jusqu’en 1972. La Loi type du CICR sur les personnes portées disparues explique dans son commentaire à l’article 4 « En cas de décès, il est obligatoire de fournir un certificat de décès, de traiter les dépouilles humaines avec respect et dignité, et de restituer le corps à la famille ou d’assurer la sépulture » (page 12) et devrait être délivré par l’autorité compétente (page 44). En outre, les certificats de décès sont identifiés dans la Gestion des dépouilles mortelles lors de catastrophes du CICR : Un Manuel pratique à l’usage des premiers intervenants, page 30 ; et dans Interpol, Identification des victimes de catastrophes, paragraphe 5.4. Phase 4 : Réconciliation, page 17. 54 Massacre Pueblo Bello Colombie, Décision sur le bien-fondé, Réparations et dépens, Cour interaméricaine des droits de l’homme Séries C N° 140 (31 janvier 2006) paragraphe 272. 55 Commission internationale sur les personnes portées disparues (2019), Principes de Paris ICMP, version annotée, ICMP.DG.468.1.W.doc 56 Bien que le Guide d’identification des victimes de catastrophes d’Interpol suggère une approche plus catégorique en déclarant : « Les victimes ont le droit à une identité après leur décès » (Partie B, Annexe 2, Livre blanc - IVC). 57 Une exception est la loi Argentine n° 14,321 du 11 mai 1994 qui crée une catégorie de personnes portées disparues de force en tant qu’équivalent juridique à un décès à des fins civiles. Elle permet aux familles d’appliquer les dispositions contenues dans un testament, de traiter la succession des personnes portées disparues et les questions d’héritage, avec la possibilité de « réapparition » de l’individu reste possible. Une telle déclaration reconnaît par nature la participation ou la responsabilité de l’État pour le décès de l’individu (contrairement à un simple certificat de décès). 58 Par exemple, conformément aux Directives du Protocole du Minnesota sur l’autopsie qui offrent des conseils pour l’analyse de dépouilles humaines, l’examen dentaire et l’analyse anthropologique des squelettes, telles qu’elles figurent à la ligne directrice E aux pages 49-51 et aux Annexes 1 à 5, pages 57-87. Ses examens peuvent avoir lieu dans des installations mortuaires temporaires sécurisées. 51

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Un système de gestion des données pour faire correspondre tous les aspects de la collecte et des analyses doit également se trouver à l’extérieur du site pour faciliter l’identification. Au minimum, cela comprend : • un registre des personnes portées disparues et les informations la concernant ; • des informations, y compris des échantillons de référence d’ADN provenant des familles des personnes portées disparues ; • les données sur les opérations d’archéologie judiciaire et la récupération des dépouilles humaines et des preuves connexes ; • un examen anthropologique et un inventaire du cas ; • les processus d’analyse de l’ADN ; • une base de données sur les profils ADN ; et • la comparaison d’ADN. Le pays ne doit pas nécessairement être capable de traiter l’ADN car des organisations tierces capables d’analyser l’ADN à grande échelle peuvent être mandatées pour effectuer cela. La stratégie de communication facilitera : • L’explication des processus et des délais d’identification et de traitement des données aux membres de la famille et à la communauté en général afin qu’ils puissent accepter ces démarches ; • Tenir les familles informées des décisions relatives aux examens post-mortem et aux résultats de ces examens. Cela devrait inclure des informations sur le soutien aux familles et les possibilités d’orientation de ces personnes vers d’autres services ; • Une communication efficace avec les organismes qui peuvent détenir et fournir des informations complémentaires ; • Une communication efficace avec les médias qui respecte le droit à la vie privée des familles touchées, reconnaît les sensibilités des familles et le droit de connaître les résultats avant qu’ils ne soient communiqués aux médias. Les résultats potentiels des efforts d’identification (1) L’identification positive : elle est établie lorsqu’il y a une cohérence entre les données ante mortem et les données post mortem d’une personne portée disparue et qu’aucune erreur ne peut être expliquée la correspondance entre ces éléments. Des méthodes d’identification scientifiquement fiables, y compris les empreintes digitales, l’examen dentaire, un profil biologique établi grâce à l’examen anthropologique lorsque les restes sont uniquement composés du squelette, et l’analyse de l’ADN devraient être utilisées.

(2) L’identification n’a pas été établie : lorsque, par exemple, des preuves confirment l’exclusion d’une hypothèse particulière concernant l’identité des dépouilles humaines, ou lorsqu’aucune conclusion ne peut être établie en ce qui concerne l’identification des dépouilles humaines.61 Un dossier doit être maintenu actif afin de permettre une future identification et une notification ultérieure aux parents et aux parties intéressées, y compris aux autorités de l’État. Des mesures de conservation et de stockage pour une plus longue durée sont nécessaires pour préserver la perspective d’une identification à une date ultérieure. Lorsque les mesures de conservation et de stockage ne sont pas disponibles ou inappropriées, les dépouilles humaines non identifiés peuvent être enterrés dans des tombes recensées selon les coutumes culturelles ou religieuses probables du défunt.62 Afin de pouvoir procéder à une identification ultérieurement, les crémations doivent être évitées dans la mesure du possible. La traçabilité des dépouilles humaines doit être garantie par des méthodes telles que : • la documentation et la cartographie du site, y compris la cartographie de l’emplacement des organismes individuels à l’intérieur du site ; • l’attribution d’un numéro et l’étiquetage de chaque corps et de chaque sac mortuaire/cercueil avec référence au numéro d’échantillon d’ADN et au stockage ; • l’utilisation de panneaux pour marquer le site ; • le stockage sécurisé des informations pour garantir leur sécurité. (3) La mauvaise identification : lorsqu’il y a une erreur dans l’attribution d’une identité aux dépouilles humaines. Une mauvaise identification aura des effets néfastes sur les deux familles concernées ainsi que sur l’enquête. En cas de découverte d’une telle erreur, l’agent de liaison de la famille et un soutien approprié devrait être mis en place ainsi que des mesures correctives conformément aux Procédures Opérationnelles Normalisées. Les droits de la famille en cas de non-identification En cas de non-identification, les membres survivants de la famille peuvent néanmoins exiger un certificat pour prouver l’absence de leur proche, ce qui leur permettra de faire valoir d’autres droits ou de procéder à la vente de biens, toucher un héritage, se remarier, etc. Un statut manquant ou un certificat d’absence doit être délivré pour protéger les droits des familles.63

La reconnaissance visuelle (y compris à partir de photographies), la description personnelle, les tatouages, les effets personnels et les vêtements retrouvés sur le corps ainsi que les conclusions médicales peuvent servir à établir l’identification mais doivent être évités comme seul moyen d’identification.59 Lorsque l’identification a été établie, l’autorité compétente devrait délivrer un certificat de décès60. Voir les méthodes d’identification (primaire et secondaire) dans le cadre du Guide d’identification des victimes de catastrophes d’Interpol, page 18 ; Guide d’identification des victimes de catastrophes d’Interpol Annexe 12 sur les méthodes d’identification et le Protocole du Minnesota, section E sur l’Identification des cadavres, pages 21 à 24. 60 Comme exemple, le Modèle de certificat de décès figurant à l’Annexe 2 du CICR /Loi type sur les personnes portées disparues. 61 Voir le Protocole du Minnesota, Section E sur l’Identification des cadavres, page 24. 62 L’inhumation de dépouilles humaines non réclamés et non identifiés est jugée appropriée par la Déclaration de Mytilini, qui concerne le traitement digne des personnes portées disparues et décédées et de leurs familles à la suite de voyages de migrants (La Déclaration de Mytilini pour le Traitement digne de toutes les personnes portées disparues et décédées et de leurs familles à la suite des voyages de migrants (2018), A.16). La Loi type du CICR sur les personnes portées disparues, dans son commentaire de l’article 22 (Burial et exhumation), stipule que « La crémation devrait être évitée, sauf en cas de nécessité (par exemple pour des raisons de santé publique) auquel cas on conservera trace des raisons de la crémation; les cendres seront conservées » (page 48). 63 Similaire à la catégorie des personnes portées disparues en Argentine et à l’article 7 de la Loi 1531 de 2012 de la Colombie sur la déclaration d’absence des personnes portées disparues. En vertu du droit international, le statut juridique de la personne disparue ou victime d’une disparition forcée et de ses proches n’est pas réglementé, mais le CDF prévoit dans l’article 24, paragraphe 6, que « Sans préjudice de l’obligation de poursuivre l’enquête jusqu’à l’élucidation du sort de la personne disparue, tout État partie prend les dispositions appropriées concernant la situation légale des personnes disparues dont le sort n’est pas élucidé et de leurs proches, notamment dans des domaines tels que la protection sociale, les questions financières, le droit de la famille et les droits de propriété. » 59

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E. La restitution des dépouilles humaines Les normes internationales L’Article 24, paragraphe 3, du CDF réitère l’obligation de restituer les dépouilles humaines des personnes portées disparues aux membres survivants de la famille ; l’Article 15 exige que les États parties coopèrent entre eux et s’accordent une entraide dans les efforts de recherche et de rapatriement. Le Principe 2, paragraphe 4, des Principes directeurs de 2019 précise que « La restitution des restes doit en outre se faire en recourant aux moyens et procédures nécessaires à des funérailles dignes et conformes aux souhaits et aux traditions culturelles de la famille et de la communauté à laquelle elle appartient. » Cela inclurait la couverture des coûts du rapatriement transfrontalier des dépouilles humaines. La jurisprudence de la Cour interaméricaine des droits de l’homme stipule : « Lorsque que les dépouilles humaines sont trouvés et identifiés, l’État doit les restituer à leur proche dès que possible, après avoir prouvé le lien de parenté génétiquement, afin que le défunt puisse être honorés selon leurs croyances respectives. L’État doit également couvrir les frais d’obsèques, en accord avec le parent de la victime. »64 La non-restitution des dépouilles humaines et l’inhumation dans des lieux non spécifiés constituerait une violation du droit de la famille et à la vie privée ; une ingérence ne peut être autorisée que lorsqu’elle est conforme à la loi, lorsqu’elle intervient dans le cadre d’un but légitime (comme dans la cadre de la sécurité publique, de la prévention des troubles ou dans le cadre des droits et des libertés d’autrui) et est nécessaire dans une société démocratique.65 Dans le droit international humanitaire, « le retour des restes des personnes décédées à leur famille lorsque celle-ci en fait la demande. Le fait que cette obligation soit conforme à l’exigence du respect de la vie de famille laisse entendre qu’elle devrait s’appliquer également dans les conflits armés internationaux et non internationaux. » (DIH Coutumier, Règle 114). L’article 21, paragraphe 4 de la Loi type du CICR sur les personnes portées disparues stipule que « Les dépouilles humaines et les effets personnels seront restitués à la famille ».

Lorsque l’identification et la restitution des dépouilles humaines sont possibles : • Après un examen post-mortem, les restes devraient être restitués à la famille dès que possible. • Un processus de restitution des dépouilles humaines devrait être mis en œuvre et suivi. Il devrait comprendre une stratégie de communication appropriée et, dans la mesure du possible, l’offre d’orientation des personnes touchées vers d’autres services afin de soutenir les familles et les communautés endeuillées. Lorsqu’un corps a été identifié mais n’a pas été réclamé par un membre de la famille : • les dépouilles humaines et tous les documents associés peuvent être stockés/conservés ; ou • les dépouilles humaines peuvent être enterrés dans des tombes recensées selon les coutumes culturelles ou religieuses probables du défunt et les documents associés peuvent être stockés. Quelle que soit l’option choisie, les plans devraient inclure la fourniture d’un stockage à long terme traçable ou l’élimination des cadavres. Les plans devraient être appropriés d’un point de vue culturel, et il faudrait tenir compte du lieu où les restes seront inhumés qui sera considéré comme un lieu d’importance et de commémoration pour les familles et les communautés. D’autres aspects pratiques comprendront les questions de propriété des terres, des conditions du sol dominantes et la hauteur de la nappe phréatique dans la zone prévue. Comme pour les corps non identifiés (voir ci-dessus, section D sur l’identification), et pour permettre la rectification de la mauvaise identification et de la restitution de dépouilles humaines à la mauvaise personne, la traçabilité doit être assurée par des méthodes telles que : • la documentation et la cartographie du site, y compris la cartographie de l’emplacement des organismes individuels à l’intérieur du site ; • l’attribution d’un numéro et l’étiquetage de chaque corps et de chaque sac mortuaire/cercueil avec référence au numéro d’échantillon d’ADN et au stockage ; • l’utilisation de panneaux pour marquer le site ; et • le stockage sécurisé des informations pour garantir leur sécurité. La crémation doit être évitée. Parties du corps associées et preuves Des moyens adaptés d’un point de vue culturel pour traiter des effets personnels non réclamés et des parties du corps non identifiées ou non réclamées devraient être convenus avec les communautés touchées.66 Cela peut inclure la commémoration, les présentations sensibles, les inhumations, les zones de commémoration désignées ou les ossuaires.

À la fin des processus d’enquête, d’identification et judiciaires, les dépouilles humaines, les parties du corps associées et les effets personnels devraient être restitués aux membres de la famille, afin de leur permettre de disposer du défunt conformément à leurs croyances. Massacre Pueblo Bello Colombie, Décision sur le bien-fondé, Réparations et dépens, Cour interaméricaine des droits de l’homme Séries C N° 140 (31 janvier 2006) paragraphe 273. 65 Sabanchiyeva e.a. contre Géorgie, Décision, CEDH Requête no 38450/05 (6 juin 2013) para 117-134. 66 Guide d’identification des victimes de catastrophes d’Interpol, Annexe 17 : Rôles et responsabilités de l’anthropologue médicolégal dans l’identification des victimes de catastrophes suggère : « «un examen et un contrôle anthropologique médico-légal final des restes physiques dans lorsque les restes sont fragmentés et/ou compromis. Avant la restitution des restes aux proches de la victime, un examen anthropologique final fournit une assurance supplémentaire d’assurance et de contrôle vérifiables qui sert à maintenir un niveau élevé de confiance avec les familles des victimes » (page 3). 64

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F. Justice Les normes internationales a. La fourniture d’informations : Le droit à la vérité est fondé dans les articles 32 et 33 du Protocole additionnel I des Conventions de Genève, incorporée dans une convention relative aux droits de l’homme (Préambule et article 24(2) du CDF), la jurisprudence67 et élaborée dans le droit souple. Le droit englobe la nécessité pour les victimes, les familles et les sociétés de connaître la vérité sur les événements passés, ainsi que les circonstances et les raisons qui ont conduit à la perpétration de ces crimes (Principes d’Orentlicher, Principe 2). En cas de décès ou de disparition forcée, le droit à la vérité comprend le droit des familles de connaître le sort et l’endroit où se trouvent leurs proches. La connaissance par un peuple de l’histoire de son oppression appartient à son patrimoine et, comme telle, l’État se doit de préserver de l’oubli la mémoire collective (principes d’Orentlicher, principe 3). b. Recours : Pour les victimes et leurs familles, le droit international, par le biais des Principes de base et des Directives de 2005 et du CDF (articles 24(4) et 24(5)), prévoit un certain nombre de recours possibles : • l’indemnisation ; • la restitution ; • la rééducation ; • la satisfaction, (y compris la vérification des faits et/ou la recherche, la récupération, l’identification et l’inhumation) et ; • des garanties de non-répétition (par le biais par exemple, de codes de conduite, de l’éducation et de formation).68 Dans la poursuite d’un recours,69 les victimes ont le droit à : • un accès égal et efficace à la justice; • une réparation adéquate, efficace et rapide pour les dommages subis, y compris les soins psychologiques pour les proches70 ; et • un accès aux informations pertinentes concernant les violations et les mécanismes de réparation.

Cela a fait écho dans l’affaire du Massacre de Mapiripán : « au cours de l’enquête et des procédures judiciaires, les victimes de violations des droits de l’homme, ou leurs proches, doivent avoir amplement l’occasion de participer et d’être entendues, tant en ce qui concerne l’élucidation des faits et la punition des responsables que dans la recherche d’une indemnisation équitable ».71 c. Interdiction et punition ou extradition : Le génocide, les violations graves des Conventions de Genève, la torture et les disparitions forcées sont interdits par le traité, et les États parties sont tenus d’adopter une législation nationale pour prévoir des sanctions efficaces en cas d’abus (Voir l’article 5 de la Convention sur le génocide; l’article 49 de la CG I ; l’article 50 de la CG II ; l’article 129 de la CG III; l’article 146 de la CG IV; les articles 2 et 4 de la Convention contre la torture des Nations Unies; l’article 6 du CDF; et l’article 6 du PIDCP en ce qui concerne les génocides). Suite à la privation de la vie, le devoir d’enquêter comprend « l’identification et, le cas échéant, la punition des responsables ».72 Les Principes directeurs du CDF précisent que « La recherche de la personne disparue et l’enquête pénale visant les responsables de la disparition doivent se renforcer mutuellement » (Principe 13(1)). Les Conventions de Genève exigent que les États parties recherchent activement les auteurs présumés afin de les juger (Article 49 de la CG I ; Article 50 de la CG II ; Article 129 de la CG III ; Article 146 de la CG IV). d. Promulgation : Conformément aux droits de réparation des victimes, en tant qu’attente justifiée d’une société démocratique et en tant que mesure visant à renforcer le respect de l’État de droit, les résultats de toute enquête devraient être intégralement promulgués.73 La découverte et l’enquête sur un charnier peuvent se produire dans le contexte élargi des violations généralisées des droits de l’homme ou du droit international humanitaire. Dans de telles situations, le besoin de justice des individus, des communautés, des États et de la communauté internationale peuvent être à la fois exponentiels et contradictoires. Ils peuvent comprendre la nécessité et/ou le droit à la réparation et à la guérison collectives, la responsabilité, la cohésion sociale, la confiance et la réconciliation.

Pour une décision rapide, voir Velásquez Rodríguez c. Honduras, Décision sur le bien-fondé, Cour interaméricaine des droits de l’homme Séries C N° 4 (29 juillet 1988), paragraphe 177. Le droit à la vérité exige une enquête faisant autorité sur les abus individuels des droits de l’homme ainsi que sur le contexte sociopolitique qui a conduit à cet ou ces abus ; il implique un élément de participation des victimes au processus et la promulgation des résultats de l’enquête au profit de la société et de l’individu. 68 Tel que défini par l’Assemblée générale des Nations unies dans les Principes fondamentaux et directives concernant le droit à un recours et à réparation des victimes de violations flagrantes du droit international des droits de l’homme et de violations graves du droit international humanitaire, Principes 19-23. 69 Principes de base, Principe 11. 70 Massacre Pueblo Bello Colombie, Décision sur le bien-fondé, Réparations et dépens, Cour interaméricaine des droits de l’homme Séries C N° 140 (31 janvier 2006) paragraphe 274. 71 Valle Jaramillo et d’autres lieux contre la Colombie, Réparations et dépens, Cour interaméricaine des droits de l’homme Séries C N° 134 (15 septembre 2005) paragraphe 219. 72 Kukhalashvili e.a. contre Géorgie, Décision, CEDH Requêtes no 8938/07 et 41891/07 (2 mai 2020) para 129. Voir également le Massacre de Pueblo Bello c. Colombie, Décision sur le bien-fondé, Réparations et dépens, Cour interaméricaine des droits de l’homme Série C n° 140 (31 janvier 2006), paragraphe 265-269, sur l’obligation de l’État d’enquêter sur les faits d’une affaire et, le cas échéant, d’identifier, de poursuivre et de sanctionner les responsables. 73 « Massacre de Las dos Erres c. Guatemala, Arrêt sur les exceptions préliminaires, Bien fondé, Réparations et dépens, Cour interaméricaine des droits de l’homme Série C n° 211 (24 novembre 2009) Paragraphes 256-264 et El-Masri contre l’ancienne République de Yugloslav de Macédoine, Arrêt de la Grande Chambre, Requête n° 39630/09 de la CEDH (13 décembre 2012), Paragraphe 192 et l’opinion concordante des juges Tulkens, Spielmann, Sicilianos et Keller. 67

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(1) La fourniture d’informations : Savoir ce qui s’est passé par le biais des processus d’enquête est une condition préalable à la réalisation des fins de la justice. L’enquête et l’exhumation des charniers, de par les informations qu’elles révèlent, peuvent contribuer à la découverte de la vérité et être un précurseur pour les objectifs de la justice à divers niveaux. En particulier, les résultats de l’enquête sur les charniers et la documentation peuvent permettre de fournir : • des informations sur les événements qui ont conduit à la violation des droits de l’homme ; • la restitution des dépouilles humaines à des fins de commémoration et la délivrance d’un certificat de décès (ou équivalent) afin de préserver la survie économique d’une famille, y compris les besoins en matière d’éducation et de santé ; • l’identification de la victime ainsi que des survivants ; et • l’identification des auteurs. (2) Les recours : À partir de ces informations, d’autres procédures judiciaires, droits réparation et réclamations juridiques peuvent être satisfaits pour : • faciliter la réparation, y compris la reconnaissance officielle, l’indemnisation, la satisfaction et la commémoration ; • déposer des requêtes en vertu des dispositions nationales, régionales et/ou internationales relatives aux droits de l’homme ; et • engager des poursuites pénales. (3) Interdiction et punition ou extradition : Les enquêtes sur les charniers et les enquêtes criminelles visant à la responsabilité des auteurs devraient se renforcer mutuellement, et des voies de communication claires avec les autorités judiciaires/le parquet sont essentielles. La valeur particulière des enquêtes sur les charniers pour les processus judiciaires peut inclure : • la corroboration des déclarations des témoins ; • le nombre de morts ; • la cause, la manière et la date et l’heure du décès ; • le sexe, l’âge et l’origine ethnique des victimes ; • l’identité des victimes ; • les tentatives de cacher le crime en déplaçant les corps des tombes initiales vers des tombes secondaires ; et • la preuve de liens avec les auteurs.74 L’achèvement de toute enquête judiciaire et de toute procédure judiciaire ne devrait pas nuire à la poursuite des enquêtes sur les charniers et des efforts de protection de ces sites. (4) Pour les efforts de l’État visant à faire prévaloir la justice et déterminer la responsabilité, une communication indépendante et faisant autorité des résultats de l’enquête, en tant que partie intégrante d’un processus d’enquête, peut contribuer à ce que le droit pour la victime de savoir ce qui s’est passé, de la mémoire collective et du soutien à l’État de droit

soient respectés. Les résultats des enquêtes sur les charniers devraient donc être rendus publics, à moins que cela ne porte atteinte ou ne mette en danger les poursuites pénales en cours ou à venir. G. Commémoration Les normes internationales Le droit d’enterrer les membres de la famille est généralement couvert par la protection de la vie privée et familiale.75 La manière d’enterrer les morts peut constituer un aspect essentiel de la pratique religieuse, protégée par les dispositions relatives à la liberté de pensée, de conscience et de religion.76 De plus, la construction de monuments commémoratifs pour le défunt peut constituer des garanties d’efforts de non-répétition.77 les principes d’Orentlicher exigent que les États doivent préserver de l’oubli la mémoire collective (Principes d’Orentlicher, Principe 3).78 La règle 115 de la CIHL stipule que « Les morts doivent être inhumés de manière respectueuse, et leurs tombes doivent être respectées et dûment entretenues ». Les charniers peuvent être des éléments complexes, difficiles et/ou controversés dans le paysage sociétal, politique et géographique. Lorsqu’ils font l’objet d’enquêtes et de fouilles, les anciens charniers et les lieux de sépulture et de commémoration nouvellement créés peuvent devenir des sites de recueillement individuel et/ou collectif; des expressions de pratique culturelle, religieuse et politique; et faire partie des réparations. Ainsi, les charniers peuvent devenir des sources pour : • promouvoir la mémoire historique ; • contribuer au discours national sur le passé ; • les systèmes de soutien psychosocial ; • influencer les futures politiques ; et/ou • faciliter la condition de base d’une société juste. Les charniers qui font l’objet de fouilles peuvent nécessiter une reconnaissance et une protection juridiques subséquentes en tant que sites commémoratifs. Les charniers de masse qui ne peuvent faire l’objet d’une enquête peuvent également devenir des sites commémoratifs et doivent être légalement reconnus et protégés dans la mesure du possible pour garantir l’intégrité des preuves si la possibilité d’une enquête survenait à l’avenir.

Comme l’à démontré l’expérience du TPIY et les affaires telles que Procureur c. Mladić, Arrêt, IT-09-02-T-117281 (22 novembre 2017) et Procureur c. Karadžić, Version publique de l’arrêt rendu le 25 mars 2016, IT-95-5/18-T (25 mars 2016). 75 Tel qu’il a été exprimé, par exemple, dans Sabanchiyeva et autres c. Russie, Arrêt, Requête n° 38450/05 de la CEDH (6 juin 2013). 76 Johannische Kirche & Peters / Allemagne, Décision, Requête n° 41754/98 de la CEDH (10 juillet 2001). 77 Par exemple, Massacre de Las dos Erres c. Guatemala, Arrêt sur les exceptions préliminaires, Bien fondé, Réparations et dépens, Cour interaméricaine des droits de l’homme Série C n° 211 (24 novembre 2009) Paragraphe 265 et Massacre de Pueblo Bello c. Colombie, Arrêt sur le bien fondé, Réparations et dépens, Cour interaméricaine des droits de l’homme Série C n° 211 (31 janvier 2009) Paragraphe 278. 78 Des considérations relatives aux droits à la liberté d’expression peuvent survenir dans le contexte de tels monuments commémoratifs ou de sites de massacre, comme exprimé dans Faber c. Hongrie, Décision, Requête n° 40721/08 de la CEDH (24 juillet 2012) lorsque la Cour reconnaît « que l’affichage d’un symbole contextuellement ambigu sur le site spécifique des meurtres de masse peut, dans certaines circonstances, exprimer une identification avec les auteurs de ces crimes ; c’est pour cette raison que l’expression, même elle est protégée par ailleurs, n’est pas également permise en tous lieux et en toutes circonstances » (paragraphe 58). 74

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Annexe 1 Lignes directrices, principes, manuels, manuels de bonnes pratiques et protocoles pertinents : • AABB Promouvoir la transfusion et les thérapies cellulaires à travers le monde (2010), Directives pour les opérations d’identification de l’ADN pour les victimes de catastrophes www.aabb.org/programs/disasterresponse/ Documents/aabbdnamassfatalityguidelines.pdf • Conseil de l’Europe (2011), Convention sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, STCE 210 11.V. www.coe.int/en/web/conventions/full-list/-/ conventions/treaty/210 • Cox, M. et al (eds) (2008), The Scientific Investigation of Mass Graves: Towards Protocols and Standard Operating Procedures (Cambridge University Press) • Folke Bernadotte Academy and Swedish National Defence College (2011), Manuel d’aide aux enquêtes criminelles internationales https://fba.se/contentassets/6f4962727ea34af5940 fa8c448f3d30f/handbook-on-assisting-international- criminal-investigations.pdf • Académie de Genève et Comité international de la Croix-Rouge (CICR) (2019), Lignes directrices pour les enquêtes sur les violations du droit international humanitaire : droit, politiques et bonnes pratiques www.icrc.org/en/document/guidelines-investigatingviolations-ihl-law-policy-and-good-practice • Conformité des droits internationaux (2016), Normes fondamentales d’enquête pour les premiers intervenants en matière de crimes internationaux www.globalrightscompliance.com/en/publications/ basic-investigative-standards-for-internationalcrimes • International Bar Association : Institut des droits de l’homme (2009) Directives sur l’établissement des faits relatifs aux droits de l’homme internationaux Visites et rapports (« Lignes directrices de Lund-Londres ») www.ibanet.org/Fact_Finding_Guidelines.aspx • Commission internationale des personnes disparues (CIPD) (2018), Lignes directrices destinées aux premiers intervenants : Préserver les tombes connues ou présumées ou des sites ou des corps ont été ensevelis, CIPD.ST.AA.857.1 www.icmp.int/wp-content/uploads/2018/10/icmpst-aa-857-1-doc-guidelines-for-first-response-atgrave-or-body-disposal-locations.pdf • ICMP (2019), Principes de Paris de la CIPD, Version annotée, CIPD.DG.468.1.W.doc www.icmp.int/wp-content/uploads/2019/04/icmpdg-1468-1-W-doc-paris-principles-annotated.pdf • Comité international de la Croix-Rouge (CICR) (2009), Principes directeurs/Loi type sur les personnes portées disparues www.icrc.org/en/document/guiding-principlesmodel-law-missing-model-law

• CICR (2016), Gestion des cadavres après les catastrophes : Un manuel de terrain pour les premiers intervenants www.icrc.org/en/publication/0880-managementdead-bodies-after-disasters-field-manual-firstresponders • CICR (2020), Accompagner les familles des personnes portées disparues - un manuel pratique https://shop.icrc.org/accompanying-the-families-ofmissing-persons-a-practical-handbook-pdf-en • Cour pénale internationale (2008), Code de conduite des enquêteurs, CPI/ai/2008/005 www.icc-cpi. int/resource-library/Vademecum/Code%20of%20 Conduct%20for%20Investigators.PDF • Interpol, (2018) Identification des victimes de catastrophes www.interpol.int/en/How-we-work/ Forensics/Disaster-Victim-Identification-DVI • Union interparlementaire et CICR (2009), Les personnes portées disparues – Un guide pour les parlementaires www.icrc.org/en/doc/assets/files/ other/icrc_002_1117.pdf • Groupe de politique et de lois internationales publiques (PILPG) (2015), Guide sur le terrain pour la société civile Enquête et Documentation sur les violations flagrantes des droits de l’homme www.publicinternationallawandpolicygroup.org/ toolkits-and-handbooks • Comité des Nations Unies sur les disparitions forcées, Principes directeurs pour la recherche de personnes portées disparues (8 mai 2019) un Doc CED/C/7 www.ohchr.org/_layouts/15/WopiFrame. aspx?sourcedoc=/Documents/ HRBodies/CED/CED_C_7_E_FINAL. docx&action=default&DefaultItemOpen=1 • Bureau du Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme (2004), Protocole d’Istanbul Manuel d’enquête et de documentation efficaces sur la torture et autres punitions ou traitements cruels, inhumains ou dégradants www.ohchr.org/documents/publications/ training8rev1en.pdf • Bureau du Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme (2016), Protocole du Minnesota relatif aux enquêtes sur des homicides résultant potentiellement d’actes illégaux www.ohchr.org/Documents/Publications/ MinnesotaProtocol.pdf • Bureau du Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme (2001), Manuel de formation sur le suivi du respect des droits de l’homme www.ohchr.org/Documents/Publications/training7 Introen.pdf

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Annexe 2 L’expertise pertinente en matière d’enquête et de médecine légale peut comprendre les intervenants ou les spécialistes suivants : Le gestionnaire des victimes de catastrophes assume la responsabilité globale de la gestion opérationnelle des charniers, y compris notamment mais pas uniquement, le respect des accords juridictionnels et des procédures opérationnelles normalisées ; maintien de la liaison avec la communauté, de la santé, de la sécurité et du bien-être sur place ; la mise en œuvre de structures de rapport et de stratégie de communication ; la coordination du processus d’identification et de restitution des dépouilles humaines. Les enquêteurs sur les lieux de crime et/ou les hauts fonctionnaires sur le site sont des individus formés à l’identification, à la documentation, à la collecte et à la conservation de preuves physiques pour une analyse plus approfondie tout en conservant une chaîne de traçabilité. Les experts en données numériques examinent et extraient des preuves et des données provenant de téléphones portables, de clés USB, d’ordinateurs ou des réseaux sociaux. L'anthropologie médico-légale est concernée par la récupération et de l’examen des dépouilles humaines (y compris en décomposition, sous forme de squelette, brisés ou brûlés) pour répondre à des questions d’ordre médico-légal, y compris à des fins d’identification. L'archéologie médico-légale est l’application des techniques utilisées pour l’étude des restes et des objets anciens aux enquêtes judiciaires, généralement à des fins d’exhumation, de récupération et d’évaluation des lieux. Les spécialistes en balistique médico-légale/armes à feu et d’empreintes d’outils analysent les marques laissées sur les éléments de preuves et les comparent

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avec d’éventuels instruments/outils/armes qui auraient pu causer les traumatismes de la victime, et ils établissent des conclusions à valeur légale sur les blessures par balle et les projectiles extraits de la victime. L'entomologie médico-légale est l’étude des insectes à des fins judiciaires, le plus souvent pour établir une pathologie médico-légale donnant une indication du temps minimum écoulé depuis la mort de la victime. L'odontologie médico-légale est l’étude des dents d’un point de vue judiciaire, en particulier dans le cadre d’une enquête sur une mort, visant principalement à identifier des dépouilles humaines. La médecine légale fait référence aux principes et pratiques de la médecine aux besoins de la justice et des instances judiciaires. Le médecin légiste est un docteur accrédité qui est autorisé à pratiquer des examens médico-légaux post mortem. La toxicologie médico-légale est l’application de la science qui étudie les drogues et les poisons aux besoins de la justice et des instances judiciaires. Les experts en identification humaine, y compris les généticiens, les experts en empreintes digitales, les biologistes moléculaires/experts en ADN médico-légal ou les dentistes en médecine légale. (Source : adapté du Protocoles du Minnesota, pages 30 et 53)

Chacune de ces professions et/ou chacun de ces praticiens seront régis par des codes de déontologie appropriés et respectifs. Leurs titres peuvent varier.


Annexe 3 : Découverte, signalement et protection* Vérification et évaluation

Analyse des données

Signaler des charniers

Téléphone

Géomatique

Photographes

Cartes

Satellite

Accès au site

Capteur à distance

Permission

Reconnaissance juridique

Liaison avec la communauté

Contexte du site

Protection physique Lieu

Terrain

de l’intervention des animaux des perturbations

Localité

Dangers du climat et de la météo

Protection via

Passage du temps

Juridiction

Vidéo Protection horizontale Barrière * Les processus décrits dans cette Annexe font partie intégrante de l’effort d’investigation et de la protection des charniers.

Protection Juridique

Sécurité 19


Annexe 4 : Processus d’enquête* Phase de planification :

1

Quelle entité a la responsabilité globale pour la recherche des personnes portées disparues ? Qui devrait planifier l’enquête sur les charniers ?

Phase de l’enquête médico-légale :

1

Utilisation de Procédures Opérationnelles Normalisées

2

Traitement, enregistrement et système de préservation • Récupération • Transport • Registre des preuves • Enregistrement • Chaîne de traçabilité • Préservation

3

Mécanisme de contrôle de la qualité

4

Lien vers la stratégie de communication et l’équipe de communication

Quelle est la portée de l’enquête ? Quels membres de l’équipe ? Quelles sont les autres autorités impliquées et requises ? Quelle est la portée des activités d’enquête ?

2

Accès à la communauté et l’impact sur elle

3

Portée, échelle et chronologie

4

Ressources, équipe et approvisionnement

5

Santé et sécurité

6

Adoption des Procédures opérationnelles normalisées

7

Facteurs extérieurs et contexte

8

Disposition, stockage des données, conservation et protection

9

Restitution des dépouilles humaines et/ou leur stockage après l’exhumation

10

Stratégie de communication Interne 10.1 Interne

20

10.2

Externe entre l’équipe et les autorités

10.3

Externe entre l’équipe, les familles, la communauté et les médias

* Les processus décrits dans cette Annexe font partie intégrante de l’effort d’investigation et de la protection des charniers.


Annexe 5 : Efforts d’identification*

+ Collecte de données et d’échantillons d’ADN de la famille : • Sensible

• Respecter les droits à la vie privée

Système de gestion des données • Registre des personnes portées disparues • Informations de la famille et Des échantillons d’ADN • Fouilles et preuves sur le site • Conclusion de l’autopsie • Laboratoire traitant l’ADN, profil et correspondance

Communication et sensibilisation Stratégie de communication : • Précise • Sans ambiguïté • Opportunes • Respect de la confidentialité et de la protection des données

Communication avec les : • Familles • Autorités • Médias

Communication sur le(s) : • Processus d’identification • Résultats • Progrès • Calendrier • Soutien psychosocial

Autorité/médecin légiste délivrant une identification ou un certificat d’absence

Résultats de l’identification

Corps identifié mais non réclamé par la famille • Enterrement adapté religieusement ou culturellement

• Processus du laboratoire • Base de données des profils d’ADN • Comparaison d’ADN

=

Attribution du bon nom/de la bonne identité aux dépouilles humaines

• Préservation continue et stockage

Capacité de traitement de l’ADN

Pas de conclusion sur l’identification

Restitution des restes humains identifiés • Retour à la famille approprié

• Communication de soutien offert

En cas de non-identification • Suite préservation et traçabilité (étiquetage, cartographie,

documentation) des dépouilles humaines • Certificat d’absence

* Les processus décrits dans cette Annexe font partie intégrante de l’effort d’investigation et de la protection des charniers.

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Annexe 6 : Vérité, justice et commémoration*

Fourniture de l’information

Recevoir des informations

Donner des informations

Investigation

Commémoration

Deuil individuel

Deuil collectif

Pratiques religieuses

Pratique culturelle

Promulgation

Justice pénale

Criminalisation

* Les processus décrits dans cette Annexe font partie intégrante de l’effort d’investigation et de la protection des charniers.

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Procès criminel

Recours • Compensation • Restitution • Rééducation • Satisfaction • Garanties de non-répétition


Auteurs Dr Melanie KLINKNER

Directrice d’études en droit international, Département des sciences humaines et du droit, Université de Bournemouth

Dr Ellie SMITH

Chercheuse, Département des sciences humaines et du droit, Université de Bournemouth et Associée principale à Global Security and Disaster Management Ltd

Experts-participants aux tables rondes ESMA ALICEHAJIC

Dr Alessandra LA VACCARA

Sareta ASHRAPH

Dean MANNING

Archéologue et anthropologue médico-légal, Comité international de la Croix-Rouge Avocate au Cabinet Garden Court Chambers ; Directrice, Bureau des Enquêtes de Terrain de l’équipe d’enquête des Nations Unies pour promouvoir la Responsabilité des crimes commis par Da’esh/ISIL ; conseiller principal sur les efforts de responsabilisation liés aux crimes commis en Syrie et en Irak ; Chercheur invité à la Blavatnik School of Government, Université d’Oxford

Caroline BARKER

Archéologue et anthropologue en médecine légale, Chef de section, Anthropologue principale en médecine légale, Équipe d’enquêteurs de l’Organisation des Nations Unies pour la promotion de la responsabilité pour les crimes commis par Daesh / État islamique en Iraq et au Levant (UNITAD)

Dr Denis BIKESHA

Doyen de la Faculté de droit, Université du Rwanda

Claudia BISSO

Anthropologue judiciaire, Équipe de travail des personnes portées disparues en Afrique du Sud et membre de l’Équipe argentine d’anthropologie médico-légale (EAAF)

Dr Agnès CALLAMARD

Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires

Tina GAENTZLE

Agent de renseignement criminel, Soutien aux enquêtes sur les fugitives/Crimes internationaux de base, INTERPOL

Alistair GRAHAM

Chef d’équipe des enquêtes, Cour pénale internationale

Dr Ian HANSON

Archéologue et témoin expert des enquêtes internationales et ancien directeur du Département d’archéologie et d’anthropologie à la Commission internationale des personnes portées disparues; Fellow de l’American Academy of Forensic Sciences; Chercheur à l’Université de Bournemouth

Carolyn HORN

Conseillère principale du Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires

Andreas KLEISER

Directeur des politiques et de la coopération, Commission internationale des personnes portées disparues

Gestionnaire du Programme des migrants et réfugiés disparus, Commission internationale des personnes portées disparues Ancien enquêteur pour le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, membre de l’équipe d’enquêteurs conjointe de MH17 et chef d’équipe du Groupe de travail sur la confiscation des biens de Canberra

Peter MCCLOSKEY

Procureur de première instance au Bureau du Procureur au Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (retraité)

Sir Howard MORRISON

Avocat britannique et Juge à la Cour pénale internationale et, anciennement, le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie

Dr Claire MOON

Professeur associé au Département de sociologie de la London School of Economics et chef de recherche pour le projet « Human Rights, Human Remains: Forensic Humanitarianism and the Politics of the Grave »

Mark MUELDER

Coordonnateur de l’unité d’Identification des Victimes de Catastrophes d’INTERPOL

Gauri PRADHAN

Ancien commissaire (membre) et porte-parole de la Commission nationale des droits de l’homme (CNDH), un organe constitutionnel national du Népal

Stefan SCHMITT

Responsable Programme de médecine légale internationale du Centre national des sciences et de la technologie médico-légale de l’Université Internationale de Floride, membre de Médecins pour les droits de l’homme et fondateur de la Fondation guatémaltèque pour l’anthropologie médico-légale

Ali SIMOQY

Chercheur indépendant, militant des droits de l’homme et membre de l’équipe d’enquêteurs des Nations Unies pour la promotion de la responsabilité pour les crimes commis par Daesh / État islamique en Iraq et au Levant (UNITAD)

Dr Deborah RUIZ VERDUZCO

Chef des initiatives de la société civile, Commission internationale sur les personnes portées disparues

Rupert SKILBECK

Directeur de l’organisation non gouvernementale REDRESS, avocat et ancien Directeur du contentieux à l’Open Society Justice Initiative

Membres du Groupe de pilotage Professeur Roger BROWNSWORD

Professeur Dinusha MENDIS

Professeur Louise MALLINDER

Dr Annelen MICUS

Professeur de droit au Kings College de Londres et à l’Université de Bournemouth Professeur de droit à la Queen’s University de Belfast

Professeur de propriété intellectuelle et Doyen adjoint pour la recherche et la pratique professionnelle à l’Université de Bournemouth Chef des programmes de l’Institut Bonavero des droits de l’homme à l’Université d’Oxford

Les auteurs sont reconnaissants envers les nombreux experts qui ont participé à la phase de consultation anonyme et dont les commentaires et les contributions ont été précieux pour l’élaboration de ce document. 23




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Le projet est financé par l’AHRC (Arts and Humanities Research Council) du Royaume-Uni. L’AHRC étudie les valeurs et les croyances qui définissent à la fois ce que nous sommes en tant qu’individus et la façon dont nous assumons nos responsabilités envers notre société et l’humanité généralement.

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