Directeur du Robotic Lab de l’université Stanford (Californie), Oussama Khatib est l’inventeur du robot archéologique sous-marin Ocean One. Il explique les améliorations apportées au nouveau prototype Ocean One K pour travailler dans les grandes profondeurs.
Quel était le but de cette seconde campagne d’Ocean One ?
La première campagne, que nous avons réalisée en 2016, près de Toulon, a permis de démontrer qu’Ocean One était en mesure de récupérer et de manipuler des objets sous l’eau. Toutefois, l’épave de La Lune, sur laquelle nous avions alors travaillé, se trouve à relativement faible profondeur : 91 mètres à peine. Or, pour qu’elle présente un intérêt, notre technologie devait pouvoir être utilisable à des niveaux inaccessibles aux plongeurs. C’est-à-dire à 1 000 mètres au moins. Doter le robot de cette capacité d’immersion dans les abysses a été un défi très difficile à relever qui nous a obligés à revoir de fond en comble la conception. Mais, finalement, ça marche : le 17 février, près de Cannes, la nouvelle version améliorée d’Ocean One K est parvenue à transporter une plaque portant une inscription jusqu’à 852 mètres, au fond d’une fosse sous-marine. C’est formidable ! C’est mieux qu’une Palme d’or : c’est une première mondiale. Personne n’a jamais réalisé un tel tour de force.
Quelles modifications avez-vous apportées à Ocean One pour l’adapter aux grandes profondeurs ?
Elles sont considérables. Nous avons dû remplacer les matériaux de flottaison par de la mousse « syntactique », un nouveau type de composites intégrant des petites billes creuses en verre, fabriqué par une entreprise française. Puis nous nous sommes attaqués à tous les problèmes d’électronique et de mécanique. Nous avions pris, dès le départ, le parti d’équiper Ocean One de bras robotiques « élastiques » ou compliants, comme on dit en anglais. Ces derniers parviennent à fonctionner bien en dessous du niveau de la mer, car ils sont remplis d’huile dont la pression est maintenue égale à celle de l’environnement grâce à deux « compensateurs » placés sur la partie arrière du corps du robot. Le système marchait parfaitement.
« Nous avons revu la conception des mains. Celles de 2016 disposaient de trois doigts, ce qui s’est montré insuffisant pour la manipulation des outils »
Mais on ne peut prétendre atteindre les grandes profondeurs sans envisager quelques précautions supplémentaires. Du design à la nature des composants électroniques et des capteurs employés, en passant par les dispositifs de commande, tout a été changé. Enfin, nous avons revu la conception des mains. Celles de 2016 disposaient de trois doigts, ce qui s’est montré insuffisant pour la manipulation des outils. A Stanford, nous nous sommes consacrés à l’ajout d’un doigt supplémentaire. Et l’équipe de l’Institut italien de technologie et de l’université de Pise, avec laquelle nous collaborons, a mis au point une soft hand, un prototype activable par un seul moteur de « main artificielle » à cinq doigts et 21 articulations, spécialisée dans la saisie des objets. Selon la tâche à accomplir, nous faisons appel à l’un ou l’autre de ces organes manipulateurs.
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